Il y a quelques mois, je devais choisir un sujet pour mon mémoire de recherche académique, étape indispensable pour l’obtention de mon diplôme. L’exercice est souvent douloureux, vus les vastes domaines proposés par l’école, et que le choix du sujet doit traiter d’une problématique précise et pertinente. Mon choix s’est vite orienté vers la microfinance, mais sous quel angle le traiter?
Je suis tombé sur un classement des institutions de microfinance (IMF) réalisé par le magazine Forbes. Et à mon grand étonnement, trois IMF marocaines étaient classées dans le Top 12 mondial! Pour une fois que ce n’était pas la MAP qui nous l’annonçait! J’ai poussé mes investigations, et j’ai constaté que dans de très nombreux rapports internationaux, l’expérience marocaine en microfinance (qui a une quinzaine d’années) est citée comme exemple de développement. Mais le secteur connaissait quelques problèmes de développement liés à divers facteurs, mais qui étaient communs à plusieurs expériences dans différents pays. Mon choix a donc été de traiter des perspectives de développement de la microfinance au Maroc.
J’ai donc entrepris des contacts avec des IMF marocaines, et j’ai pu aller sur le terrain avec des agents du microcrédit pour constater de fait ce qui se faisait sur le terrain, et comprendre les attentes et les motivations des bénéficiaires. J’étais vraiment impressionné de l’étendue de l’organisation et des moyens mis en place par ces associations. Les bénéficiaires étaient demandeurs, qu’ils soient éleveurs, artisans, petits commerçants… Et les chiffres sont là : plus d’un million de bénéficiaires (dont deux tiers de femmes) et 5 milliards de DH d’encours de crédit. Loin d’en faire des riches, le microcrédit permettait surtout à des pauvres de lever la tête, de développer des revenus complémentaires à des activités qu’ils exercent déjà, et d’améliorer leur niveau de vie.
Sauf que la croissance dans le secteur a été tellement rapide entre 2004 et 2007, que des problèmes avaient fini par apparaitre. Le taux de remboursement qui était jusqu’en 2007 de 99%, a brutalement chuté à 95%, et la 2ème IMF au Maroc, Zakoura, a connu de graves problèmes de gestion, ce qui a mené à son absorption par la Fondation de Banque Populaire pour le Microcrédit, pour éviter sa faillite, et une grave crise de confiance dans le secteur.
Ce qui m’a intrigué dans l’expérience de la microfinance au Maroc, c’est que l’État a très peu intervenu dans le développement du secteur. Il n’a fait que ce qu’on lui a demandé, à savoir un cadre légal approprié, qui permet un développement et un fonctionnement transparent. Preuve que la société civile peut beaucoup faire, même en l’absence d’un soutien actif de l’État. Des garde-fous ont été instaurés pour éviter des débordements et des dysfonctionnements, comme ceux observés en Amérique Latine ou en Inde. Compartamos, une des plus grandes IMF au Mexique a été introduite en bourse, et a connu un succès phénoménal. L’IMF était tellement profitable, que la valeur de ses titres se sont envolés en bourse. Et puis c’est bien connu, les pauvres remboursent très bien, et ils sont tellement nombreux, qu’on peut faire beaucoup d’argent sur leur dos. Les IMF au Maroc, de part leurs statuts d’associations, ne sont pas (encore) tombés dans ce piège. Certes, elles aspirent un jour à devenir des banques mutuelles (ou associatives), mais on en est pas encore là. Leurs missions de développement et d’accompagnement social sont étroitement surveillées par des conseils d’administration indépendants. Elles sont même allées jusqu’à baisser leurs taux d’intérêts ces dernières années, ce qui est unique dans le monde!
La microfinance ne peut être en aucun cas LA solution pour sortir des milliers de gens de la pauvreté, mais un des leviers d’accompagnement. Le rôle de l’État reste primordial. Sans investissements massifs dans l’éducation, les infrastructures, la santé, l’habitat social, la pauvreté ne fera qu’augmenter, et l’écart entre les plus riches et les plus pauvres ne pourra qu’exploser.
Pour ceux qui s’intéressent plus au sujet, je mets à votre disposition le mémoire en PDF.
Bonne lecture!