Covid-19, Morocco Chief Digital Officer?

La crise sanitaire que traverse le Monde en ce moment a des conséquences humaines terribles et un impact économique catastrophique sur beaucoup de secteurs.

Mais s’il y a un secteur qui devrait plutôt bien s’en sortir, c’est bien celui du digital. Au Maroc, nous avons pris beaucoup de retard, et la crise du Covid-19 a permis de faire tomber beaucoup de barrières psychologiques et décisionnelles qui bloquaient à la fois les décideurs et les citoyens/consommateurs.

L’impact sur les secteurs du digital n’a pas été uniforme. Certains vont connaitre des croissances exponentielles. D’autres vont sévèrement pâtir de la crise.

E-Gov :

S’il est aujourd’hui possible de déclarer et payer ses impôts en ligne, de déposer des réclamations à distance ou de déposer sa demande de permis de construire en ligne dans beaucoup de communes, la grande majorité des procédures est loin d’être digitalisée.

Il est toujours impossible de créer son entreprise en ligne, de légaliser un document ou demander une copie conforme sur Internet, ni d’effectuer des opérations à distance auprès du greffe du tribunal de commerce pour les entreprises.

Mais cette crise du Covid-19 a permis d’accélérer la mise en place de certains projets qui auraient pu attendre des mois, voire des années avant de voir le jour. Ainsi, l’Agence du Développement du Digital a lancé 10 jours après le début du confinement, 3 services : le bureau d’ordre digital, le guichet électronique des courriers et le parapheur électronique. Idem pour la distribution des aides directs de l’État pour les plus impactés par la crise : la plateforme de distribution des aides a été mise en place en quelques jours, alors qu’on en parle depuis une bonne décennie. La collecte de données d’une telle quantité par l’État sur des millions de foyers en si peu de temps, aurait été impossible en temps normal. En espérant que cela serve de premier pilier au Registre Social Unique.

Si cela prouve une chose, c’est que le blocage de dizaines de projets e-gov au Maroc est surtout d’ordre décisionnel, et n’est absolument pas technique ou financier. Quand l’administration veut, elle peut.

E-commerce

Dans l’impossibilité d’ouvrir leur magasins, ou face au risque sanitaire que pourraient encourir leurs clients, des dizaines d’enseignes ont (enfin) opté à la hâte pour le e-commerce.

Si certaines enseignes de grandes distribution ont opté pour des méthodes artisanales improvisées et qui démontrent leur impréparation à la situation, comme se greffer à des plateformes de livraison (comme Glovo ou Jumia Food), d’autres ont lancé des sites de e-commerce en bonne et due forme. C’est même devenu pour pour certaines la seule source de chiffre d’affaires (suite à la fermeture de leurs magasins physiques) durant les semaines passées. Elles ont dû adapter leurs process et leurs chaines logistiques à ce nouveau mode de fonctionnement, et aux contraintes sanitaires actuelles.

Et puis, on savait le client marocain très réticent au paiement en ligne (plus de 95% des paiements se faisaient en cash à la livraison). Mais par la force des chose, et pour limiter le risque de transmission du virus via les billets de banque, beaucoup ont enfin sorti leurs cartes bancaires pour payer en ligne.

Cette crise promet d’être un vrai catalyseur pour le e-commerce au Maroc. A condition de résoudre l’épineuse question de la rentabilité, qui, à mon avis, ne sera résolue que par un positionnement “brick and clicks”, c’est-à-dire en déployant une vitrine e-commerce s’appuyant sur un réseau de magasins physiques.

EdTech

Avec le confinement forcé, et l’arrêt des cours dans les écoles et universités, le Ministère de l’Education Nationale a déployé en quelques jours un important système de cours en ligne et sur les chaînes TNT publiques. Encore une fois, ce qui paraissait impossible ou qui devait prendre des années, n’a pris que quelques jours pour être déployé.

Les plateformes d’EdTech (Education Technology) qui permettent une interaction entre les professeurs et les élèves, mais aussi avec les parents et l’administration, sont aujourd’hui plus que nécessaires et complémentaires aux cours présentiels. Cela permet un suivi pointu de l’acquisition des compétences par les étudiants, mais aussi d’offrir un contenu de très haut niveau pour compenser le niveau pas toujours bon de certains professeurs.

Cela pourrait même faire partie de la solution à la surcharge des amphithéâtres de beaucoup d’universités marocaines.

FinTech

Quand l’État a voulu distribuer les aides directes à des millions de marocains touchés par la crise, il a opté pour la distribution en cash. Pour la simple raison que le mobile money est quasi-inexistant au Maroc, malgré le tapage médiatique qui a accompagné l’attribution des agréments, et le lancement de certains services.

Les raisons sont multiples : taux de bancarisation assez élevé par rapport aux pays d’Afrique subsaharienne pris en référence pour ce projet (~60% vs. ~10%), réseau d’acceptation très faible chez des commerçants inquiets des possibilités de traçabilité fiscale, culture du cash très dominante, faibles revenus des populations cibles…

Le cash a encore de beaux jours devant lui. Et à moins d’une révolution culturelle et réglementaire, ce n’est pas demain que l’on verra une migration de masse vers le mobile money et l’émergence de vrais startups de fintech au Maroc.

HealthTech

La crise du Covid-19 a eu un impact insoupçonné sur le secteur médical : la chute des consultations physiques. Les patients ne souhaitant pas prendre de risque en se rendant dans les hôpitaux, cliniques ou cabinets médicaux, n’ont eu de choix que d’appeler leurs médecins par téléphone ou appels vidéos.

Si certaines startups offrent aujourd’hui la téléconsultation qui se résume à de simples appels vidéos, il serait temps de voir d’autres services proposant une intégration de tous les acteurs de santé autour du patient (médecins, pharmaciens, biologistes, imagerie médicale…), voire des appareils de prises de mesures à distance pour optimiser les parcours de clients, et réduire les déserts médicaux.

Logiciels B2B

Si beaucoup des grandes entreprises ont pris le virage technologique en digitalisant une bonne partie de leurs process, la grande majorité des TPME n’y sont pas encore. Faute de moyen ou de volonté. La crise du Covid-19 a démontré plus que jamais la nécessité d’opter pour des logiciels de gestion sur le cloud, de digitaliser tous les process papier.

La tendance qui se dégage par ces temps de crise chez beaucoup d’entreprises, est la repriorisation et l’accélération de projets devenus, par la force des choses, stratégiques.

Conclusion

Cette crise ressemble beaucoup à une situation de guerre. Et parmi les effets d’une économie de guerre, l’installation d’un “effet de cliquet” théorisé par l’économiste James Duesenberry en 1949. Il le définit comme un effet empêchant le retour en arrière d’un processus une fois un certain stade dépassé. Nous espérons tous, qu’une fois cette crise sanitaire dépassée avec le moins de dégâts humains et économiques possibles, qu’un effet de cliquet s’installe durablement, avec un effet favorable sur tous les secteurs du digital.

Le Covid-19 aura alors réussi là où beaucoup de stratégies ont échoué, et méritera son titre de Morocco Chief Digital Officer.

Un MBA pas cher? Essayez le pMBA!

Tout le monde n’a pas l’opportunité de dépenser des milliers de dirhams (dollars/euros…) pour avoir MBA d’une université prestigieuse. Si le retour sur investissement d’un MBA demeure discutable, il est néanmoins très bénifique pour beaucoup de managers, compte tenu des nouvelles connaissances acquises, de la qualité des professeurs, mais surtout de l’échange d’expérience entre les participants. Et ce n’est pas un hasard, si les universités fixent un certain nombre d’années d’expérience minimales pour pouvoir suivre le programme MBA.

La question du coût demeure souvent problématique pour acquérir ces connaissances. C’est de là où est née l’initiative du Personal MBA ou pMBA. Un groupe de managers se sont réunis pour dresser une liste d’ouvrages références dans chaque domaine. Leur nombre est actuellement de 77, et sont répartis dans des domaines aussi divers que la productivité, la psychologie, la finance, le marketing, l’entrepreneuriat ou la stratégie. Le coût d’achat de l’ensemble de ces ouvrages est évalué à 1400 USD, mais vous n’êtes évidemment pas obligés de tous les lire. De plus, de nombreuses copies électronique (ou eBooks) circulent sur Internet.

J’ai personnellement lu une dizaine de ces ouvrages, et ils sont absolument fascinants! Mais le reproche que je pourrais leur faire, c’est que ce sont souvent des ouvrages un peu trop axès sur la culture anglo-saxonne, qui ne tiens souvent pas compte des différences culturelles inhérentes au management.

Pour ceux qui désirent les lire en français, sachez que seule une quinzaine d’entre eux ont été traduits. Le français est loin d’être une langue de référence dans le domaine!