Pourquoi les marocains continuent-ils à manifester?

La vidéo de mon intervention sur l’émission Aswat Shabaka de France 24 Arabic. J’y explique brièvement les objectifs du mouvement du 20 février, et la raison pour laquelle les marocains continuent de manifester, malgré l’annonce de plusieurs réformes.

 

PS : L’émission a été enregistrée 3 jours avant les attentats odieux de Marrakech.
PPS : La qualité de vidéo est mauvaise malgré l’utilisation d’une connexion Menara ADSL de 4 Mbps/s. Cela vous donne une idée sur la qualité de service chez Maroc Telecom…

Maroc Telecom : une des marges les plus confortables au Monde?

 

Les marocains n’en finissent plus de se plaindre de leurs opérateurs de télécommunications. Un appel a été publié par des blogs marocains appelant à une meilleure qualité de service et à des prix plus abordables pour les marocains. Les débits Internet (mobile 3G surtout) deviennent ridicules, les bridages ne se comptent plus, et la couverture comporte de plus en plus de zones d’ombre à travers le pays. Le consommateur se sent lésé face à un régulateur quasi-absent et un sentiment d’entente sur les prix. Un argument qui revient souvent, est celui de l’importance des investissements consentis par les opérateurs. Il se doivent d’appliquer un certain niveau de prix pour assurer une rentabilité financière qui garantirait la pérennité du service. Soit. Penchons nous alors sur le cas de l’opérateur historique.

Maroc Telecom réalise depuis quelques années des résultats remarquables. Un chiffre d’affaires de 31,7 milliards de DH pour un résultat net 9,5 milliards de DH, entièrement distribué aux actionnaires. Soit un résultat net supérieur à celui de toutes les banques marocaines cotées réunies!

Il existe un indicateur financier très simple à utiliser appelé “Marge nette”. Il est égal au résultat net divisé par le chiffre d’affaires. En gros, cet indicateur mesure quel est le résultat net que l’entreprise réalise en moyenne à chaque fois qu’elle vend un produit ou un service pour 100 DH. Qu’en est-il de Maroc Telecom?

La marge nette de l’opérateur historique s’est élevée à 30%! En gros, quand vous rechargez votre mobile, ou payez votre facture Internet de 100 DH, 30 DH sont un bénéfice net de l’opérateur, après avoir payé toutes ses charges, amorti ses investissements, et payé ses impôts! Cette marge astronomique n’est pratiquement atteinte nulle part ailleurs dans le monde! Examinons les chiffres du tableau ci-dessous :

Quand on lit les chiffres, on se rend compte que même les plus gros opérateurs historiques européens restent dans des marges nettes très raisonnables. Celles de Deutsche Telecom, Telefonica ou France Telecom oscillent entre  4 et 17%. Dans les pays arabes, les marges sont nettement plus élevées, mais seul Telecom Egypt réussit l’exploit de dépasser (d’un petit point) notre Maroc Telecom national.

A qui profite cette situation, et qui en est responsable? L’Etat ne semble pas s’en plaindre. Maroc Telecom lui verse de généreux dividendes (2,85 milliards de DH) et des rentrées d’impôts astronomiques (à peu près 5 milliards de DH en 2010). Les autres opérateurs non plus. L’ANRT semble vouloir maintenir un niveau élevé des prix sur le marché, pour préserver la santé financière des deux autres opérateurs, Méditel et Inwi.

Qui en souffre? Le consommateur, cela va de soi. Et la balance des paiements du Maroc. Celle-ci est en net déficit depuis quelques années, et les choses ne devraient pas s’arranger. Les sorties en dividendes restent très importantes. C’est le prix à payer pour des investissements étrangers nous dit-on. Mais ce qu’on nous dit moins, c’est qu’il existe des moyens fiscaux pour limiter ces sorties de devises sous forme de dividendes. En imposant ces derniers, ou en instaurant des mesures fiscales favorisant le réinvestissement des bénéfices.

Mais en attendant, Vivendi remercie chaleureusement tous les marocains qui ont contribué à réaliser les bénéfices de sa filiale la plus rentable au Monde!

Agit-on vraiment pour combattre la corruption au Maroc?

Parmi les revendications du mouvement du 20 février, la lutte contre la corruption au Maroc figure en bonne place. Le pays gangréné par la corruption à tous les niveaux, du plus haut fonctionnaire au chaouch de service, fait figure de cancre quand il s’agit de classements internationaux dans le domaine. Ainsi, il est passé du 52e rang en 2002 au 85e en 2010 dans l’Indice de Perception de la Corruption élaboré par Transaprency International. Preuve s’il en est besoin, que la multitude de commissions et d’instances mises en place par les différents gouvernements depuis une décennie n’ont servi à rien, ou pas grand chose… Le citoyen lambda ne perçoit aucun changement dans les pratiques, voire une situation qui empire.

Des mesures parfois très simples peuvent changer les choses. Une des premières causes de la corruption, et le manque d’information du citoyen. Pourquoi ne pas améliorer l’accès à l’information, expliquer les procédures administratives, clarifier aux citoyens leurs droits… Des portails Internet existent certes, mais la communication via des posters et des affiches dans les administrations est quasi-absente.

Autre point : la dénonciation. La loi marocaine actuelle ne protège pas les dénonciateurs de faits de corruption. Un dénonciateur peut facilement être considéré comme complice, et donc passible de poursuites judiciaires. L’Instance Centrale de Prévention de la Corruption (ICPC) n’a cessé de demander la protection légale des dénonciateurs. Aucune loi n’existe jusqu’aujourd’hui dans ce sens. Une petite expérience a néanmoins été lancée par l’ICPC , mais qui ne concerne aujourd’hui que les dénonciations “dans le cadre de marchés publics ou d’opérations d’investissement relatifs aux Petites et Moyennes Entreprises (PME)”. Sauf que l’ICPC ne jouit d’aucun pouvoir qui lui permet de saisir la justice en cas de dénonciation. Grosse lacune institutionnelle donc.

Ceci concernait la corruption “subie” par les citoyens. Qu’en est-il de la corruption “voulue”? Soudoyer un fonctionnaire pour fermer les yeux sur un plan de construction non conforme ou un policier/gendarme pour une infraction au code de la route reste très commun. Et là, il ne faut plus compter sur la dénonciation. C’est là que le contrôle judiciaire et administratif doit intervenir. Déclarations du patrimoine et inspections doivent être la règle dans un pays qui se veut démocratique et transparent. Mais c’est encore loin d’être le cas au Maroc. L’impunité reste la règle, même dans le cas de graves dysfonctionnements, comme ceux établis par la Cour des Comptes par exemple. Autre exemple : malgré l’obligation dans le nouveau code de la route du port d’un badge identifiant, on ne voit plus aucun agent de l’ordre (policier ou gendarme) porter son badge. N’est-ce pas un signe d’impunité ostentatoire?

Pourquoi nos gouvernants ne s’inspirent-ils pas d’autres pays qui ont eu quelques succès dans la lutte contre la corruption? En Inde par exemple, il existe un portail “I paid a bribe” qui collecte les plaintes des citoyens ayant été obligés de payer un pot de vin pour accéder à un service public. Lors d’un récent voyage en Tanzanie, j’ai pu voir ces pancartes un peu partout dans les lieux publics invitant à dénoncer les actes de corruption commis par les fonctionnaires publics :

Que perd-t-on à installer ce type de pancartes dans les arrondissements administratifs, les commissariats et les hôpitaux? Rien. Absolument rien. Combien de temps faudra-t-il pour instaurer une loi qui protège les dénonciateurs? On l’attend depuis au moins 10 ans. La loi anti-terrorisme a bien été approuvée en 10 jours, non? Que fait la justice pour poursuivre les corrompus parmi les hauts fonctionnaires de l’État? Est-elle trop occupée à juger les dénonciateurs des complices de trafiquants de drogue à Nador?

Quand on voit ce qu’on voit, que l’on entend ce qu’on entend et que l’on sait ce que qu’on sait, on a raison de penser ce qu’on pense. Que l’État n’a aucune envie de combattre la corruption, et que certains ont tout intérêt à que cela perdure…

Manifestations du 20 mars au Maroc : quelles leçons? (+ Photos)

Après des manifestations à succès le 20 février, les marocains sont à nouveau sortis dans les rues ce 20 mars 2011. Les manifestations se sont globalement bien déroulées, malgré des craintes de répression policière sauvage après celle du 13 mars à Casablanca. Les forces publiques sont restées finalement quasi-invisibles se contentant de suivre la marche de loin.

Mais que pouvaient demander ces manifestants après le discours royal du 9 mars? Le roi n’a-t-il pas annoncé des réformes constitutionnelles, conformément aux demandes des manifestants du 20 février?

Le discours a certes été globalement positif, mais la manière de réformer ne correspondait pas à ce qu’attendent une bonne partie des marocains. Plutôt que d’appeler à l’élection d’une assemblée constituante (comme cela se fera en Tunisie et comme ça s’est fait en Islande), puis de soumettre le texte à un référendum, le roi a préféré nommer une commission chargée de réformer la constitution, puis de la soumettre au référendum. Cette méthode ne garantit absolument pas que les revendications du peuple marocains seront prises en compte, et connaissant la machine médiatique et sécuritaire du makhzen, il ne fait aucun doute que cette constitution sera adoptée à plus de 90%… En 55 ans d’histoire indépendante du Maroc, aucune constitution n’a été adoptée à un niveau inférieur…

Le reste des revendications du mouvement du 20 février porte sur l’indépendance de la justice (le roi préside toujours le conseil suprême de la magistrature), la séparation entre le pouvoir et les affaires (le mastodonte SNI garde toujours la main sur d’importants pans de l’économie marocaine), l’instauration d’une vraie culture contre l’impunité des dirigeants du secteur public, la libération de tous les détenus politiques, une plus grande liberté de presse et un service public médiatique plus ouvert à la diversité politique et sociale.

D’autres revendications à caractère social sont évoquées par le mouvement du 20 février (emploi, santé, éducation, logement, vie chère…). Mais à mon humble avis, le jour où on aura un gouvernement issu de la vraie volonté populaire, qui rend des comptes devant le peuple, et où sont représentés les meilleurs compétences que compte le pays, ces questions sociales seront naturellement adressées.

Quand on voit que les quelques manifestations du 20 février ont déclenché énormément de réactions en si peu de temps, cela nous incite à continuer la mobilisation pour maintenir le momentum.

Mais s’il y a une chose dont on peut déjà se réjouir, c’est le regain d’intérêt des marocains pour la politique. On peut déjà s’attendre à des taux de participation élevés lors des prochaines élections, loin des ridicules 20-30% des élections de 2007. Reste aux partis politiques de mieux répondre aux attentes des marocains, et à être plus proche des citoyens et de leur revendications. C’est leur rôle, et il semble qu’ils n’ont pas tous reçu le message.

Pour finir, ce qui m’a le plus frappé dans ces manifestations du 20 février et 20 mars, c’est que c’est la première fois pour des gens de ma génération (j’ai 26 ans) qu’on sort aussi massivement manifester pour notre pays. Nous qui n’avions l’habitude que de sortir pour les autres. Palestine pendant la 2ème intifada, Iraq lors de l’invasion américaine. Il était temps qu’on exprime notre mécontentement par rapport à ce qui se passe au Maroc.

Photos disponibles sur demande / Photos available on request

Liens :

Photos des manifestations du 20 février à Rabat

Faut-il dissoudre le PAM?


Après en avoir fini avec Ben Ali, les tunisiens se sont vite rendus compte qu’il fallait très vite en finir avec son système, au risque de voir le pays retomber dans le chaos. Et une des premières décisions prises par le très populaire ministre tunisien de l’intérieur, Farhat Rajhi, fut la dissolution du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), véritable Etat dans l’Etat, accusé de semer la terreur en Tunisie, en finançant des émeutes un peu partout dans le pays. Histoire de rappeler que Ben Ali était garant de la sécurité et de la stabilité de la Tunisie…

Contrairement à ce que l’on peut croire, cette pratique est loin d’être inédite au Maroc. En février 2008, le premier ministre a décidé de dissoudre le parti “Al Badil al Hadari” compte tenus d’éventuels liens avec l’obscur réseau Bellirej. L’article 57 de la loi relative aux partis politiques au Maroc le permet sous certaines conditions :

” Sera dissous, par décret motivé, tout parti politique qui inciterait à des manifestations armées dans la rue, ou qui présenterait, par sa forme et son organisation militaire ou paramilitaire, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ou qui aurait pour but de s’emparer du pouvoir par la force, de porter atteinte à la religion islamique, au régime monarchique ou à l’intégrité territoriale du Royaume.”

Qu’en est-il de notre RCD marocain? Le PAM, qui a moins de 4 ans d’existence, n’a pas fini de faire du bruit autour de lui. A force de s’attirer tout ce que compte le pays comme opportunistes et arrivistes, les dérapages ne se comptent plus.

Le plus flagrant reste à ce jour l‘implication de certains ténors du PAM dans l’organisation du campement de Gdim Izim. Le parti d’El Himma, cherche depuis un moment à s’implanter dans les provinces sahariennes, et de bousculer les bases plutôt solides de l’Istiqlal. Pour ce faire, il a travaillé en très étroite collaboration avec l’ex-wali Jelmous, pour mettre le bâton dans les roues des actions de l’Istiqlal, notamment en bloquant des projets de notables istiqlaliens. Le pas suivant a été de laisser apparaitre la colère et les revendications populaires en permettant l’installation d’un campement à quelques kilomètres de Laâyoune, alors que de pareilles manifestations sont strictement surveillées dans une zone aussi sensible. Les cadres du PAM, ont ensuite participé aux négociations aux cotés des autorités locales pour paraitre comme des “sauveurs” et se construire une base électorale pour les prochaines élections. La suite on la connait : les séparatistes infiltrés ont fait régner la terreur parmi ceux qui voulaient quitter le camp, causant la mort de 11 membres des forces de l’ordre, une image catastrophique du Maroc dans les médias internationaux, une récupération politique des séparatistes, ainsi qu’une sévère condamnation du Maroc au Parlement européen. C’est ce qu’on appelle jouer avec le feu. Le PAM a osé porter atteinte à une cause nationale, pour des objectifs purement électoralistes. Et personne n’a osé bouger le petit doigt pour le sanctionner.

Dernier épisode à Salé, un élu PJD, Jamâa Mouatassim, est visé pour une plainte pour une étrange affaire d’abus de pouvoir et de détournement de fonds. L’homme jugé très intègre par ses partisans, semble faire les frais du souhait du PAM d’écarter (par tous les moyens) le PJD de la gestion des affaires locales dans les principaux conseils municipaux au Maroc. L’histoire avait commencé à Oujda, semble en cours à Salé, et devrait bientôt s’étendre à Rabat et Casablanca. Et dans le cas de Mouatassim, c’est l’appareil judiciaire, Ô combien indépendant de l’exécutif et des sphères du pouvoir, qui semble instrumentalisé.

Comment garantir qu’un parti fondé par un ami très proche du roi, puisse respecter les règles du jeu démocratique? Comment espérer que certains membres du parti n’utilisent pas cette proximité comme arme électorale? On a peut-être déjà oublié que des candidats PAM lançaient aux électeurs (ruraux essentiellement) une phrase magique pendant les campagnes électorales : “Si vous êtes pour le roi, il faut voter PAM. Sinon vous êtes contre le roi.”

Garantir que cela ne se reproduise plus suppose une seule action : dissoudre le PAM.

Révolution tunsienne : Et le Maroc dans tout cela?

Le dictateur est tombé. La Tunisie respire et savoure sa révolution des jasmins construite sur le sang de dizaines de martyrs. Jamais un état arabe ne s’était débarrassé de la sorte de son dictateur. Seuls la Faucheuse, un putsch ou une invasion étrangère pouvaient les écarter de leurs confortables fauteuils.

Tirer à balles réelles sur les manifestants aura été la goute qui a fait débordé le vase des tunisiens. Ils n’en pouvaient plus de ce régime mafieux, oppressant et sanguinaire. Et le soutien de l’armée fut crucial dans ce combat. Fidèle à un principe de non-ingérence qui datait de l’ère Bourguiba, elle a obligé Ben Ali à fuir pour éviter un bain de sang. A noter que l’armée tunisienne ne dispose que de 35 000 hommes contre 120 000 hommes pour la police! C’est dire le degré de “policiarisation” du pays!

Maintenant, la question que se posent beaucoup : est-ce que cette révolution sera contagieuse?

Quoique disent les dirigeants arabes et leurs agences de presse, aucun régime arabe n’est considéré par les standards internationaux comme démocratique, ni même hybride. Ils sont tous classifiés comme autoritaires, doux euphémisme dont héritent également certaines dictatures sanguinaires.

Mais les conditions sont loin d’être les mêmes pour tous les pays. Si dans une très grande majorité, le pouvoir est soutenu par l’armée, des subtilités existent. Certains prétextent un état d’urgence instauré depuis les premières guerres contre Israël, d’autres invoquent les spécificités religieuses et culturelles de leurs peuples, sans oublier ceux qui prétendent avoir dépassé le stade de la démocratie et avoir atteint la perfection en terme de gouvernance (se référer au chapitre correspondant dans le Livre Vert).

Qu’en est-il au Maroc? Peut-on s’attendre à des évènements similaires?

Mis à part chez d’irréductibles 9% nihilistes, la monarchie marocaine reste très populaire. Le fameux sondage du Monde/Telquel l’avait bien confirmé à ceux qui en doutaient encore.

La situation économique est par contre assez similaire. Dépourvus de richesses pétrolières, les deux pays comptent beaucoup sur le tourisme ainsi que l’industrie et services tournés vers l’export comme importants générateurs d’emploi et de rentrées en devises. La crise mondiale a eu des effets négatifs sur les carnets de commande et du coup sur l’emploi, surtout dans le secteur du textile. Par ailleurs, les taux de chômage des jeunes reste très important, à une différence près pour la Tunisie qui “produit” plus de diplômés de l’enseignement supérieur (comparés à la population totale).

Les Trabelsi/Ben Ali avaient constitué un clan tentaculaire qui a pris le contrôle d’une très grande partie de l’économie tunisienne. On retrouvait leurs traces dans tous les secteurs (les plus juteux surtout), et n’hésitaient pas à mettre à genou leurs concurrents sans se soucier d’aucune règle de droit. Beaucoup de chefs d’entreprises tunisiens préféraient garder des parts de marché modestes dans leurs secteurs, et faire profil bas, plutôt que de devenir trop voyants et de susciter des convoitises inutiles de la part du clan régnant.

Au Maroc, il existe un terme pour définir cette sphère économique qui bénéficie des faveurs et de la proximité avec le pouvoir : le “Makhzen économique”. On est certes loin de l’hégémonie des Trabelsi/Ben Ali, mais certains secteurs sont loin d’être tout à fait concurrentiels. Prenez par exemple celui du sucre, de l’huile, ou de la grande distribution. Et les faveurs du pouvoir ne manquent pas pour certains acteurs de l’immobilier, de la finance, de l’agriculture, voire même des panneaux publicitaires!

Les investisseurs étrangers souhaitant s’installer au Maroc s’en plaignaient souvent et déchantaient très vite à l’idée d’investir dans des secteurs “pas très fair”. La fusion ONA/SNI et son intention de réduire ses participations dans ses filiales agro-alimentaires vient sans doute après des pressions européennes dans le cadre de l’accord du Statut Avancé entre le Maroc et l’Union Européenne.

Et le PAM dans tout cela? Peut-on vraiment comparer le RCD tunisien à notre PAM national? Si la proximité au pouvoir est commune aux deux, les schémas sont totalement différents. D’un coté nous avons un parti quasi-unique baignant aux cotés d’une opposition fantoche, et d’un autre, un parti makhzanéen dont la création remonte à 3 ans, qui rafle tout ce que le pays compte comme opportunistes et qui a pour principal but d’affaiblir les autres formations politiques et de servir les intérêts obscurs du Makhzen. Celui-ci devrait être conscient que le rôle d’un parti politique est surtout d’encadrer les citoyens et de porter leurs revendications. Créez le vide politique, et ces revendications finiront par s’exprimer dans la rue, avec tout le risque de violences que cela peut engendrer.

Sur le plan de la liberté d’expression, la différence reste tout de même notable. Si la presse et les médias étaient complètement muselés et Internet largement censuré en Tunisie, une certaine marge de manœuvre existe au Maroc. Mais avec la fermeture de plusieurs journaux et magazines, et les condamnations lourdes de journalistes, ces libertés sont entrain de reculer sérieusement.

On n’a peut-être pas besoin d’une révolution au Maroc, mais on a besoin d’une très sérieuse remise en question de tout ce qui a été fait durant les dix dernières années dans le pays. Des réorientations politiques et des réformes constitutionnelles sont nécessaires pour corriger le tir. Et qu’on arrête de nous dire qu’il faut arbitrer entre respect des libertés et prospérité économique. L’un ne peut marcher sans l’autre. La Tunisie en est aujourd’hui la preuve.

Quelques liens :