Les marocains n’en finissent plus de se plaindre de leurs opérateurs de télécommunications. Un appel a été publié par des blogs marocains appelant à une meilleure qualité de service et à des prix plus abordables pour les marocains. Les débits Internet (mobile 3G surtout) deviennent ridicules, les bridages ne se comptent plus, et la couverture comporte de plus en plus de zones d’ombre à travers le pays. Le consommateur se sent lésé face à un régulateur quasi-absent et un sentiment d’entente sur les prix. Un argument qui revient souvent, est celui de l’importance des investissements consentis par les opérateurs. Il se doivent d’appliquer un certain niveau de prix pour assurer une rentabilité financière qui garantirait la pérennité du service. Soit. Penchons nous alors sur le cas de l’opérateur historique.
Maroc Telecom réalise depuis quelques années des résultats remarquables. Un chiffre d’affaires de 31,7 milliards de DH pour un résultat net 9,5 milliards de DH, entièrement distribué aux actionnaires. Soit un résultat net supérieur à celui de toutes les banques marocaines cotées réunies!
Il existe un indicateur financier très simple à utiliser appelé “Marge nette”. Il est égal au résultat net divisé par le chiffre d’affaires. En gros, cet indicateur mesure quel est le résultat net que l’entreprise réalise en moyenne à chaque fois qu’elle vend un produit ou un service pour 100 DH. Qu’en est-il de Maroc Telecom?
La marge nette de l’opérateur historique s’est élevée à 30%! En gros, quand vous rechargez votre mobile, ou payez votre facture Internet de 100 DH, 30 DH sont un bénéfice net de l’opérateur, après avoir payé toutes ses charges, amorti ses investissements, et payé ses impôts! Cette marge astronomique n’est pratiquement atteinte nulle part ailleurs dans le monde! Examinons les chiffres du tableau ci-dessous :
Quand on lit les chiffres, on se rend compte que même les plus gros opérateurs historiques européens restent dans des marges nettes très raisonnables. Celles de Deutsche Telecom, Telefonica ou France Telecom oscillent entre 4 et 17%. Dans les pays arabes, les marges sont nettement plus élevées, mais seul Telecom Egypt réussit l’exploit de dépasser (d’un petit point) notre Maroc Telecom national.
A qui profite cette situation, et qui en est responsable? L’Etat ne semble pas s’en plaindre. Maroc Telecom lui verse de généreux dividendes (2,85 milliards de DH) et des rentrées d’impôts astronomiques (à peu près 5 milliards de DH en 2010). Les autres opérateurs non plus. L’ANRT semble vouloir maintenir un niveau élevé des prix sur le marché, pour préserver la santé financière des deux autres opérateurs, Méditel et Inwi.
Qui en souffre? Le consommateur, cela va de soi. Et la balance des paiements du Maroc. Celle-ci est en net déficit depuis quelques années, et les choses ne devraient pas s’arranger. Les sorties en dividendes restent très importantes. C’est le prix à payer pour des investissements étrangers nous dit-on. Mais ce qu’on nous dit moins, c’est qu’il existe des moyens fiscaux pour limiter ces sorties de devises sous forme de dividendes. En imposant ces derniers, ou en instaurant des mesures fiscales favorisant le réinvestissement des bénéfices.
Mais en attendant, Vivendi remercie chaleureusement tous les marocains qui ont contribué à réaliser les bénéfices de sa filiale la plus rentable au Monde!
excellente analyse : bravo !
juste sur la fiscalisation des redevances, il y a un risque effectivement de “refroidir” les flux étranger des investissements mais a-t-on exploré cette piste ?
Bonne analyse mais fausse conclusion.
Le principal bénéficiaire n’est pas Vivendi (environ 3 MD) mais l’Etat marocain (dividendes + IS + retenue à la source sur dividendes rappatriés + TVA + taxe service universel >>> 10 MD) et donc l’ensemble de l’économie marocaine.
Il s’agit donc là d’un très bel exemple de privatisation.
Maintenant, la question est de savoir si le principal bénéficiaire alloue correctement les gains pour accélérer le développement de l’économie numérique, réduire la fracture numérique, créer une industrie IT prospère.
@Eric :
La part de Vivendi est dans les 5 GDH (9,45*53%).
Vous avez raison de dire que l’Etat est aussi gagnant dans l’affaire. Je mentionne bien que rien qu’en impôts, il touche autant que les dividendes de Vivendi. Mais ce qui est grave dans l’affaire, c’est que le consommateur marocain soit “victime” de son propre gouvernement. Payer des communcations très chères pour le contexte local, est certes bénéficiaire à la fois pour Vivendi et pour l’Etat marocain, mais très préjudiciable pour le citoyen ordinaire. Le pire c’est quand on tombe, comme ici, dans la connivence entre Etat et régulateur (ANRT)…
@marouane : Bcp de pays taxent les dividendes pour inciter au réinvestissement des bénéfices. Mais ca serait une vision bien trop libérale de dire que ca refroidit les investissements extérieurs. Un investisseur vient pour profiter d’opportunités dans le pays, et non pour profiter de son régime fiscal. S’ils viennent pour créer des richesses et des emplois, tant mieux. Sinon, la fiscalité de doit de redistribuer ces richesses générées… C’est ma vision des choses en tout cas 🙂
Je suis d’accord ,l’Etat bénéficie beaucoup des performances du Maroc Telecom et je pense que si toutes nos entreprises ont le même niveau de performance et de réussite comme Maroc Telecom,notre économie vivra de beaux jours.
A ma connaissance Maroc Telecom donne un bon exemple d’une privatisation rentable pour le pays et favorisant la dynamique de l’économie nationale.
c’est normal et c est raisonnable….Mais la question qui se pose c est ou sont les association de la protection des consommateurs??..
l’anrt veut réviser la reglementation. les textes sont sur le site http://www.sgg.gov.ma/commentaire_fr.aspx?id=1102 est ce que qqun peut me dire de quoi il s’agit ?
Il y a eu récemment soulèvement de la question du coût des communications téléphoniques au parlement marocains, avec une pseudo-explication de l’ANRT.l’essentiel et que la communauté continue à exprimer son mécontentement, voir migrer ou consommer le moins possible les services de de cet opérateur (dont les investissements initiaux ont été par l’état : le peuple marocain, qui en subit les prix).