Elections du 25 novembre : nouvelle supercherie du Makhzen?

Il y a quelques semaines, j’avais proposé à travers ce blog une douzaine de mesures visant à restaurer la confiance des marocains dans les élections. Je savais pertinemment qu’une bonne majorité est irréalisable, pour la simple raison que le Makhzen tient coûte que coûte à garder les choses sous son contrôle. A quelques jours des élections “historiques” du 25 novembre, les marocains peuvent s’apercevoir que les règles n’ont pratiquement pas changé. Retour sur ces 12 points :

1-Les élections sont toujours organisées de bout en bout par le Ministère de l’Intérieur. Une instance indépendante n’est toujours pas d’actualité.

2- Le découpage électoral s’est fait cette fois-ci selon les provinces, sauf pour les grandes villes, et là aussi avec des exceptions. Rabat se retrouve avec 2 circonscriptions, tout comme Fès et Taroudant. Marrakech est divisé en 3, alors que Tanger ne dispose que d’une seule circonscription. Par ailleurs, il est judicieux de comparer la population de chaque province avec le nombre de sièges qui lui sont alloués au parlement. Les résultats sont édifiants. Il faut par exemple 5 fois moins de voix pour se faire élire à Aouserd (ou Boujdour) qu’à Tanger. Le rapport est de 1 siège pour 36 000 habitants à Aouserd contre 178 000 à Tanger. Où est le principe de base d’égalité des chances entre candidats? On l’aura compris, le Makhzen préfère placer les siens dans les provinces reculées avec un faible nombre de voix nécessaires pour se faire élire, et laisser les partis s’entre-tuer dans des provinces surpeuplées, où aucune majorité claire ne pourrait être obtenue.

3- L’obligation de vote n’a pas été instaurée. Point très controversé, mais qui ne devrait, à mon avis, être discuté qu’après avoir satisfait toutes les conditions de scrutin transparent…

4- Les marocains votent toujours en un scrutin de liste à plus forte reste. Beaucoup réclament un retour au scrutin uninominal à un ou deux tours pour que la notion d’élu du quartier revienne, et que la répartition des sièges soit plus fidèle au nombre de voix exprimées.

5- Seul point positif dans cette liste, le vote avec la carte nationale d’identité a été instauré pour la première fois. C’est une concession du Ministère de l’Intérieur qui tenait à la fameuse carte d’électeurs. Seul bémol, certaines personnes rapportent que les nouvelles cartes nationales d’identité ne sont plus distribuées depuis quelques semaines, et que le Ministère de l’Intérieur les retient dans ses tiroirs. Bourrage d’urnes en perspective? Je préfère ne pas y penser…

6- Inscription automatique sur les listes électorales : Là encore, rien n’a été fait. La révision des listes électorales a été ouverte quelques semaines avant les élections du 25 novembre. Le résultat est décevant seuls 13 millions de marocains sont inscrits, sur un potentiel de plus de 20 millions en âge de voter. Le plus surprenant, c’est que le nombre des inscrits a baissé de 2 millions par rapport aux chiffres de 2007! Où sont-ils passés? Avec cet effet de baisse du nombre d’inscrits, le taux de participation ne peux qu’augmenter! Soyons lucides, le Makhzen n’a aucun intérêt à voir débarquer 7 millions d’électeurs sur la scène d’un coup. Surtout quand le premier parti a gagné les élections de 2007 en n’obtenant que 500 000 voix!

7- Vote sans enveloppe : Petite mesure qui aurait pu réduire la fraude, mais là encore, aucune nouveauté.

8- Baccalauréat au minimum pour chaque candidat : Encore une fois, les marocains sont confrontés à une pléthore d’analphabètes, même s’il faut avouer qu’une bonne partie des formations politiques ont fait un effort en présentant des candidats plutôt instruits.

9- Audit fiscal pour les entreprises possédées par les candidats : Pas de nouveau non plus dans ce sens. Et quand on voit le profil de certains candidats connus pour leur affairisme, cela n’est franchement pas rassurant…

10- Casier judiciaire vierge pour tout candidat : Plusieurs m’ont confirmé qu’une loi existe dans ce sens mais qu’elle n’est juste pas appliquée. A Rabat par exemple, un élu multirécidiviste, réputé pour ses achats massifs de voix, et exilé depuis 2 ans au Canada, est rentré précipitamment pour briguer un siège au Parlement. Il est assuré de le gagner, et on se retrouvera encore une fois avec un ripoux au parlement. Faute d’application de la loi.

11- On ne sait toujours pas comment marche le système informatique du ministère de l’Intéroeur. Si ça se trouve, il ne sait probablement pas faire des additions correctement. Cher Makhzen, on veut le code source du Hassoub Al Markazi!

12- Ce qui n’était censé être qu’une blague s’est révélé encore une fois vrai. Abdelouahed (Mac Leod) Radi brigue un nième mandat de député. Et cette fois-ci, il a trouvé une très bonne excuse : s’il ne se fait pas élire député, puis président de la chambre des représentants, le Maroc perd son siège de président de l’Union Parlementaire Internationale. Vous ne voulez surtout pas que ça arrive, hein? 🙂

On se rend compte finalement que pratiquement rien n’a changé dans les conditions d’organisation du scrutin.

Effrayé devant la perspective d’une participation aussi ridicule que celle de 2007, le Makhzen panique. Premières victimes, tous ceux qui appellent au boycott. Les arrestations des membres des coordination du mouvement 20 février ne se comptent plus, les tracts de Nahj ont été illégalement saisis, et les affiches et spots publicitaires appellent à voter à tue-tête.

Que proposent nos partis? Monts et merveilles. J’avoue que je n’ai parcouru que superficiellement les programmes des partis (comme disait Jacques Chirac “Les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient”), mais un détail mérite d’être soulevé. Ils promettent tous un taux de croissance du PIB supérieur à 6% (8% pour certains…). Comment pourront-ils s’y prendre alors que ce taux s’est établi en moyenne à 4,5% sur la dernière décennie? Comment peuvent-ils être aussi optimistes alors que l’Europe, notre premier partenaire économique, s’apprête à faire face à une crise sans précédent. Et le Maroc dépend fortement de la santé de ce partenaire (exports, tourisme, transferts des MRE…). Et je vous épargne les autres fantaisies des partis. Y en a-t-il, par exemple, un seul qui a suffisamment de courage pour expliquer aux marocains la douloureuse réforme des retraites qui s’annonce?

Pire encore, certains leaders de partis makhzanéen, osent affirmer qu’ils sont prêts à s’opposer aux conseillers du roi s’il le fallait, alors que l’épisode de retrait de la loi des finances est encore dans toutes les mémoires. Ce même RNI a quand même l’affront de promettre le changement aux marocains, alors qu’il fait partie de tous les gouvernements depuis 1977! Seul les partis communistes chinois et cubains ont, semble-t-il une meilleure performance…

La seule bonne nouvelle dans tout ce cirque, est que le PAM est relativement en retrait par rapport aux autres élections (rappelez vous qu’il s’était classé 1er aux élections municipales de 2009!). Normal, après les slogans du mouvement du 20 février, ni le PAM, ni son mentor, n’ont intérêt à trop se montrer. Mauvaise nouvelle, ils préfèrent mandater le RNI (mieux vendable), qui joue au Cheval de Troie, et  mène l’alliance makhzanéenne également appelée G8.

Que faire le 25 novembre? Voter pour le moins pire des partis, ou boycotter? J’avoue que je n’ai toujours pas de réponse. Voter reviendrait à cautionner le système dans lequel se déroulent ces élections : constitution non démocratique, conditions loin d’être optimales (cf. plus haut), candidats véreux… D’un autre coté, les 5 prochaines années sont cruciales pour le Maroc. Non pas pour des enjeux politiques (le pouvoir restera ailleurs…), mais surtout pour les aspects économiques (crise européenne, finances de l’Etat…) et sociaux (réforme du système des retraites, réforme inévitable de la caisse de la compensation…). Peut-on se permettre de laisser les mains libres aux mêmes personnes qui ont mené le pays à la dérive ces 50 dernières années? L’équation est difficile…

 

Quelques liens :

Pourquoi je rejette le projet de la nouvelle constitution

 

Après 3 mois de travaux, la commission Manouni pour la révision de la constitution au Maroc a remis sa copie. Le discours du roi du 17 juin a annoncé les grandes lignes du projet. Et un référendum sera organisé le 1er juillet, soit 2 semaines à peine après la publication du projet, pour voter pour ou contre ce projet de constitution [FR] [AR]

Que penser de la démarche?

Je reviens tout d’abord au processus d’élaboration de ce projet. Suite aux manifestations du 20 février, les premières contre le pouvoir depuis plusieurs années (pour ne pas dire décennies), le roi a pris les devants dans un discours le 9 mars pour annoncer une révision constitutionnelle. Pour ce, il a nommé une commission composée d’experts technocrates et d’universitaires, chargée d’élaborer un projet de constitution, en consultation avec les partis politiques, centrales syndicales et représentants de la société civile. Tout ce beau monde a remis sa copie avec ses recommandations. La commission a ensuite poursuivi ses travaux à huis-clos sans qu’absolument rien ne filtre de ses travaux, mis à part quelques signaux “positifs” lancés pour calmer les esprits et rassurer sur le bon déroulement. A quelques semaines de la fin de ses travaux, on a vu des partis politiques MENDIER pour avoir à consulter la version finalisée ou quasi-finalisée du projet. RIEN ne filtrait. Les partis se sont donc résignés à découvrir le texte du projet en même temps que le reste des marocains. Ils ont finalement eu accès au document final quelques heures avant le discours royal, sans aucune possibilité de discuter le projet ou de présenter des amendements. Il ont tout simplement été mis devant le fait accompli en écoutant le discours royal. Cette démarche d’élaboration d’un texte aussi fondamental pour une nation, est à mon avis non démocratique. Beaucoup réclamaient à ce qu’une assemblée constituante élue se charge, assistée d’experts, de la rédaction d’une nouvelle constitution pour le Maroc. Les tunisiens s’apprêtent bien à le faire. Et je n’ose même pas mentionner l’exemple des islandais qui discutent de leur projet de constitution sur Facebook…

Que nous propose ce projet?

Je ne suis pas juriste et encore moins constitutionnaliste, mais je me permets, en tant que citoyen qui aspire au développement de son pays, d’avoir un avis sur le projet.

Les avancées :

Nombreuses sont les avancées indéniables dans ce texte. Je ne prétends pas toutes les souligner, mais je citerai celles qui me semblent les plus importantes, et surtout, celles que j’ai comprises 🙂

L’amazigh (Art 5) : Reconnaitre un pan aussi important de l’identité marocaine dans la constitution est un grand pas. Mais il aurait été préférable de l’instituer comme langue nationale plûtot qu’officielle. Ce concept est très difficile à appliquer. Nous avons déjà du mal à l’appliquer correctement à l’arabe (certaines correspondances de l’administration publique sont encore en français, présentations de ministres devant le roi en français…). Par ailleurs, l’amazigh n’est pas standardisé et il est aujourd’hui impossible à deux personnes parlant tarifit et tamazight de se comprendre. Quel amazigh donc choisir comme langue officielle? Je recommande vivement la lecture de l’article d’Ibn Kafka sur le sujet, et auquel j’adhère entièrement.

Dissolution des partis politiques (Art 9) : Seule la justice peut dissoudre un parti. Cela nous éviterait peut-être de revivre le scénario du Badil Al Hadari.

Vote des marocains de l’étranger (Art 17) : Longtemps considérés comme des vaches à lait, pourvoyeur de devises à leur pays, accorder le droit de vote aux MRE est désormais constitutionnalisé. L’expérience avait déjà été menée durant les années 90, mais avait tourné court.

Egalité des sexes (Art 19) : Le projet reconnait l’égalité des sexes dans la société, y compris ceux inclus dans les conventions internationales ratifiées par le Maroc, si celle-ci sont conformes à l’identité marocaine. En gros, on exclut les questions religieuses (héritage notamment).

Législation par dahir (Art 42) : L’exercice législatif par dahir est limité à certains champs. Les autres doivent être contresignés par le chef du gouvernement. C’est donc essentiellement le parlement qui légifère. Des juristes dans le coin pour nous éclairer?

Sacralité du roi (Art 46) : La personne du roi n’est plus sacrée. Sa personne est désormais inviolable, et le respect lui est dû.

Désignation du premier ministre (Art 47) : Appelé désormais Chef du gouvernement, il est choisi parmi le parti politique qui a remporté les élections. Cela aurait par exemple empêché Driss Jettou d’être premier ministre en 2002. L’article est à mon avis mal formulé, car il pourrait y avoir des cas où le parti gagnant des élections (mais sans majorité absolue) serait incapable de réunir une majorité parlementaire.

Interdiction de la transhumance politique (Art 61) : Aucun parlementaire ne peut adhérer à un parti autre que celui sous lequel il a été élu. Il perd son siège sinon. Une telle mesure aurait empêché l’existence d’un groupe parlementaire comme celui du PAM. Le parti n’existait tout simplement pas pendant les élections de 2007, et a réussi quand même à faire migrer des dizaines de parlementaires lors de sa création en 2008…

Immunité parlementaire (Art 64) : L’article délimite expressément l’immunité parlementaire à la seule liberté d’expression ou de vote. Mais cela suffira-t-il pour dissuader les mafiosi de siéger au parlement?

Conflits d’intérêts des ministres (Art 87) : L’article interdit explicitement aux membres du gouvernement d’exercer des activités lucratives dans le secteur privé. Donc à priori, à moins de vendre sa société de distribution de tabac (et bien d’autres), M. Moncef Belkhayat ne devrait plus siéger au gouvernement. Il manquerait à cet article de définir expressément la notion de conflit d’intérêt, notamment ceux impliquant les familles et proches des ministres (Belkhayat et le marché de Bull comme exemple). Article retiré de la dernière version publiée au Bulletin Officiel.

Suppression de la haute cour des ministres (Art 94) : Cette cour fixait des conditions draconiennes pour qu’un ministre soit présenté devant la justice. Les ministres sont désormais des justitiables comme les autres. Reste à savoir ce que dira dans le détail la loi prévue dans ce sens.

Le ministre de la justice ne siège plus dans le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (Art 115) : Une bonne avancée dans l’indépendance (très relative on le verra) du pouvoir judiciaire. On se rappelle comment M. Mohamed Naciri, actuel ministre de la justice s’était acharné contre le juge Hassoun.

Le texte comporte également beaucoup de verbiage sur les principes ô combien nobles des droits de l’homme, de la criminalisation de la torture (coucou DST de Temara), de la mal traitance humaine (Kamal Ammari Allah yrahmou). Le Maroc avait bel et bien légiféré sur tous ces aspects, ratifié beaucoup de traités internationaux, mais ne les a jamais appliqués. Les cas sont très nombreux. Qu’est ce qui obligerait l’exécutif de les appliquer cette fois-ci?

Les grosses insuffisances :

Le fameux Article 19 de l’actuelle constitution : Véritable constitution dans la constitution, beaucoup réclamaient sa suppression. Les pouvoirs qu’ils donnaient au roi semblaient illimités et couvraient de larges prérogatives. Le projet de constitution l’a gardé, en le scindant en 2 articles (41 et 42) en détaillant ces prérogatives. Toutes les attributions du roi de l’actuel article 19, sont maintenues dans ces 2 articles.

Nomination et démission des ministres (Art 47) : On s’attendait à des avancées sur ce point, mais ce ne fut pas le cas. Le roi nomme toujours les ministres sur proposition du premier ministre, comme c’est le cas dans l’actuelle constitution. Or, on sait très bien que dans la pratique (gouvernements Jettou et El Fassi), que la liste des ministres se prépare au sein du cabinet royal, et le premier ministre n’est quasiment pas impliqué dans son élaboration. C’est aussi l’article qui justifie l’existence de ministres de souveraineté sans appartenance politique (5 ou 6 à chaque gouvernement), ou de ministres technocrates affiliés à la va vite dans un parti politique la veille de leur nomination. Les exemples sont nombreux dans l’actuel gouvernement (Belkhayat, Benkhadra, Zenagui, Akhannouch…). Or ces ministres sans couleur politique, ne peuvent en toute logique démocratique être sanctionnés par les urnes. Le deuxième aspect est celui de la démission des ministres. Ces derniers peuvent être démis non par le président du gouvernement, mais uniquement par le roi! Humiliant pour ce président du gouvernement, qui de ce fait n’a pas de véritable autorité sur ses ministres. De plus, c’est une manière de protéger les ministres de “souveraineté” qui, même s’ils ne se conforment pas à la politique du gouvernement, ne peuvent être démis que par le roi.

Nomination des walis, gouverneurs, ambassadeurs, responsables de la sécurité intérieur et dirigeants des entreprises publiques stratégiques (Art 49) : Bien que ces hauts fonctionnaires font partie de la fonction publique, mise sous autorité du président du gouvernement, leur nomination est effectuée dans le conseil des ministres présidé par le roi. Or, compte tenu du déséquilibres du pouvoir, on peut très bien s’attendre à ce que ces nominations viennent directement du cabinet royal. Le président du gouvernement ne pourra qu’obtempérer. Or, ces walis et gouverneurs sont selon l’article 145 du projet, des représentants du “pouvoir central. Au nom du gouvernement, ils assurent l’application des lois, mettent en Œuvre les règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle administratif.” Comment peuvent-il rendre compte au chef du gouvernement alors que c’est un conseil présidé par le roi qui les a nommés? La même logique s’applique aux dirigeants des entreprises publiques stratégiques, qui sont censés se conformer à la politique générale du gouvernement.

Nomination des membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (Art 113) : Organe suprême de la magistrature, il se devait d’être complètement indépendant de l’exécutif. Or, seule la moitié de ses membres est élue par les juges. L’autre moitié est soit désignée directement par le roi, soit constituée de membres de droit (président du CCDH, médiateur, procureur général du roi auprès de la cour de cassation…), eux même désignés par le roi. L’indépendance de la justice, je la cherche encore…

Nomination de la Cour Constitutionnelle (Art 130) : La Cour constitutionnelle exerce, entre autres, le contrôle sur la constitutionnalité des textes adoptés dans le pays, ainsi que la validation des résultats des élections et des référendum. Or, la moitié de ses membres, y compris son président, sont directement nommés par le roi. Comment peut-on dans ce cas garantir son indépendance et son impartialité?

Pour se donner une idée plus globale des pouvoir du roi dans ce projet de constitution, je vous propose de jeter un coup d’oeil à ce graphe :

Réalisé par Reda Chraibi

Avec tous ces pouvoirs accordés au roi, peut-on dire que le Maroc sera une monarchie parlementaire? Absolument pas! Bien que l’article 1 stipule que “Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale”, il s’agit à mon sens d’un verbiage inutile, et d’une superposition d’adjectifs contradictoires (constitutionnelle vs parlementaire).

Ce projet de constitution consacre-t-il le chef du gouvernement, issu des urnes, comme un véritable chef de l’exécutif? Absolument pas. Il est réduit à un exécutant sous tutelle obligé de faire valider ses décisions les plus importantes par le roi. Connaissant le déséquilibre des pouvoirs dans la réalité, on peut difficilement voir un chef du gouvernement s’opposer au roi.

Pour être plus concret, ce projet de constitution empêchera-t-il des bêtises comme le projet du TGV de voir le jour? Non. Obligera-t-il TOUS les ministres à rendre compte de leurs actions devant les marocains, au cours d’élections? Non. Empêchera-t-il l’entourage royal (à leur tête MM. El Himma et Majidi) d’intervenir à tout va dans les affaires du pays, sans aucun contrôle des instances élues par le peuple? Non. Rendra-il la justice plus indépendante de l’exécutif? Non.

La définition même de la démocratie est de pouvoir juger ceux qui nous gouvernement et de leur demander des comptes. Ce projet ne permet pas de le faire puisque celui qui détient le pouvoir exécutif, à savoir le roi, ne peut pas rendre de comptes.

Je ne veux pas demander des comptes à mon roi. Je veux qu’il reste au dessus de la mêlée. Un symbole de la nation. Un arbitre auquel on a recours quand il n’y en a plus d’autres. Ce n’est malheureusement pas le cas dans ce projet de constitution.

Ceux qui disent aujourd’hui que ce projet est une étape vers cet idéal ne connaissent pas l’histoire du Maroc. Le mouvement national avait déjà formulé ces demandes de roi qui règne mais ne gouverne pas pour la constitution de 1962. On leur avait répondu qu’il était encore trop tôt pour cela. 50 ans après, on attend toujours. Entre temps, des pays se démocratisent, se développent, progressent. La mondialisation fait que le monde ressemble à des parts de marché à conquérir, à des avantages concurrentiels à acquérir. Tout retard dans le développement peut être fatal pour un pays, et très difficilement rattrapable par la suite. Le Maroc et la Corée du Sud étaient au même niveau de développement durant les années 50 (même taux d’analphabétisme, PIB/habitant identiques…). On connait la suite.

Toutes ces raisons me poussent à rejeter ce projet de constitution. Je ne sais pas encore si je voterai non, ou que je boycotterai le scrutin, mais ce ne sera certainement pas un oui.

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