Marocains, le Makhzen vous emmerde

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les marocains ont vécu des moments historiques ces 2 dernières semaines.

Tout d’abord, la victoire écrasante du PJD aux élections. Malgré toutes les critiques que l’ont puisse émettre envers le processus électoral, il semble que la volonté des marocains a été globalement respectée. La victoire du PJD aurait été encore plus écrasante si le mode de scrutin et le découpage avaient été plus équitables. Mais ce ne sera que partie remise pour les échéances à venir. Le combat sur ces points essentiels doit continuer. Les marocains n’ont tout de même pas oublié de remarquer la débandade du PAM et de son cheval de Troie makhzanéen RNI. Toutes leurs gesticulations ces derniers mois ont été vaines et inutiles. Le G8 ressemble plus aujourd’hui à un “G Rien”…

Le deuxième évènement, reste la nomination de Abdelilah Benkirane comme Chef de Gouvernement. Alors que beaucoup s’attendaient à ce que Saadeddine Othmani, ex-dirigeant du PJD soit nommé à la tête du gouvernement, notamment pour ses qualités de diplomatie et de conciliation avec le Makhzen, Benkirane s’est imposé comme un choix incontournable. On aurait quand même bien pu rigoler en ayant un psychiatre comme Othmani à la tête du gouvernement d’un pays réputé pour sa schizophrénie chronique 🙂 Mais avec les tractations que mène Benkirane, on se dirige, semble-t-il, vers un gouvernement formé par la PJD, l’Istiqlol, le Mouvement Populaire et le PPS. Des islamistes qui siègent au même gouvernement que des ex-communistes. On aura tout vu au Blad Schizo!

Après une semaine d’euphorie, où les attentes des marocains vis-à-vis du prochain gouvernement PJD restent énormes, le Makhzen n’a pas manqué de réagir. Non pas une, ni deux, mais trois claques ont été distribuées en moins de 48h.

Tout d’abord, la nomination de 28 ambassadeurs. Il s’agit d’un acte strictement encadré par la Constitution adoptée en juillet dernier. La loi suprême du pays stipule très clairement dans son article 49 :

“Le Conseil des ministres délibère … de la nomination sur proposition du Chef du Gouvernement et à l’initiative du ministre concerné, aux emplois civils… d’ambassadeur…”

L’article 55 stipule quant à lui :

“Le Roi accrédite les ambassadeurs auprès des puissances étrangères et des organismes internationaux.”

En reconstituant le processus, on obtient donc :

Le Chef de Gouvernement propose les ambassadeurs (à l’initiative du ministre des affaires étrangères), le Conseil des ministres (présidé par le roi) en délibère puis le roi accrédite ces ambassadeurs.

Or, en consultant les comptes rendus des conseils des ministres, publiés par le Secrétariat Général du Gouvernement, on s’aperçoit que la nomination des ambassadeurs n’a été approuvée dans aucun de ces conseils.

De par la même constitution, Abbas El Fassi, est toujours Chef de Gouvernement, jusqu’à ce que Abdelilah Benkirane obtienne le vote de confiance du Parlement.

En omettant l’étape de délibération par le Conseil des ministres, on s’aperçoit que le processus constitutionnel de nomination des ambassadeurs a été clairement violé.

En est-on à la première violation de la nouvelle constitution? Il semble que non. Plusieurs constitutionnalistes, dont le Pr. Abdelkader Bayna, éminent professeur de Droit Constitutionnel à Rabat avaient souligné que les élections du 25 novembre ne pouvaient être tenues qu’après dissolution de l’ancien parlement. Ce qui n’a jamais été fait!

Que faire quand un citoyen estime que la constitution de son pays a été violée? Il devrait se diriger vers la Cour Constitutionnelle, censée être le protecteur ultime de la loi suprême. Mais quand on sait que le roi nomme son président et la moitié de ses membres (directement et indirectement), on connait d’avance la réponse à toute saisine de ce type…

Deuxième claque de la semaine, la nomination de Yasser Zenagui, actuel ministre RNI du tourisme au sein de cabinet royal. Beaucoup diront qu’une nomination au sein du cabinet royal relève du périmètre exclusif du roi, mais quand on connait la puissance de celui-ci au sein des institutions marocaines, on ne peut s’empêcher de rester dubitatif devant une telle nomination. Comment peut-on admettre qu’un ministre d’un gouvernement sortant, appartenant à un parti sévèrement sanctionné par les marocains aux élections, puisse accéder à des fonctions au sein d’une institution connue pour être le vrai gouvernement d’ombre au Maroc? Sans citer les allégations sur les conflits d’intérêt incestueux de M. Zenagui qui détient un gros fonds d’investissement touristique (Sienna Investment Group) tout en étant ministre du tourisme…

La troisième claque (de quasi-KO) nous est venue de la nomination de Fouad Ali El Himma comme conseiller au cabinet royal. Nous voici devant un personnage dont les marocains réclament la chute depuis une dizaine de mois, qui a fondé un parti qui s’est pris une sévère défaite aux dernières élections, et qui de plus, est haï et détesté par le PJD, parti vainqueur des élections. Benkirane qui n’a cessé de traiter El Himma de tous les noms, le comparant à Oufkir et Basri, ou en appelant le roi à l’écarter. Le pauvre chef de gouvernement désigné s’est finalement résigné à appeler son pire adversaire pour le féliciter.

Nous voila donc devant 3 claques affligées aux marocains. Votez pour la constitution que vous voulez (aussi critiquable soit-elle), votez pour le parti que vous voulez, manifestez autant que vous voulez, le makhzen fera ce qu’il veut, et s’entourera de qui il veut.

Marocains, il ne vous reste que Dieu à implorer, et vos yeux pour pleurer.

الله يلطف بهاد البلاد أو صافي

 

Faut-il dissoudre le PAM?


Après en avoir fini avec Ben Ali, les tunisiens se sont vite rendus compte qu’il fallait très vite en finir avec son système, au risque de voir le pays retomber dans le chaos. Et une des premières décisions prises par le très populaire ministre tunisien de l’intérieur, Farhat Rajhi, fut la dissolution du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), véritable Etat dans l’Etat, accusé de semer la terreur en Tunisie, en finançant des émeutes un peu partout dans le pays. Histoire de rappeler que Ben Ali était garant de la sécurité et de la stabilité de la Tunisie…

Contrairement à ce que l’on peut croire, cette pratique est loin d’être inédite au Maroc. En février 2008, le premier ministre a décidé de dissoudre le parti “Al Badil al Hadari” compte tenus d’éventuels liens avec l’obscur réseau Bellirej. L’article 57 de la loi relative aux partis politiques au Maroc le permet sous certaines conditions :

” Sera dissous, par décret motivé, tout parti politique qui inciterait à des manifestations armées dans la rue, ou qui présenterait, par sa forme et son organisation militaire ou paramilitaire, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ou qui aurait pour but de s’emparer du pouvoir par la force, de porter atteinte à la religion islamique, au régime monarchique ou à l’intégrité territoriale du Royaume.”

Qu’en est-il de notre RCD marocain? Le PAM, qui a moins de 4 ans d’existence, n’a pas fini de faire du bruit autour de lui. A force de s’attirer tout ce que compte le pays comme opportunistes et arrivistes, les dérapages ne se comptent plus.

Le plus flagrant reste à ce jour l‘implication de certains ténors du PAM dans l’organisation du campement de Gdim Izim. Le parti d’El Himma, cherche depuis un moment à s’implanter dans les provinces sahariennes, et de bousculer les bases plutôt solides de l’Istiqlal. Pour ce faire, il a travaillé en très étroite collaboration avec l’ex-wali Jelmous, pour mettre le bâton dans les roues des actions de l’Istiqlal, notamment en bloquant des projets de notables istiqlaliens. Le pas suivant a été de laisser apparaitre la colère et les revendications populaires en permettant l’installation d’un campement à quelques kilomètres de Laâyoune, alors que de pareilles manifestations sont strictement surveillées dans une zone aussi sensible. Les cadres du PAM, ont ensuite participé aux négociations aux cotés des autorités locales pour paraitre comme des “sauveurs” et se construire une base électorale pour les prochaines élections. La suite on la connait : les séparatistes infiltrés ont fait régner la terreur parmi ceux qui voulaient quitter le camp, causant la mort de 11 membres des forces de l’ordre, une image catastrophique du Maroc dans les médias internationaux, une récupération politique des séparatistes, ainsi qu’une sévère condamnation du Maroc au Parlement européen. C’est ce qu’on appelle jouer avec le feu. Le PAM a osé porter atteinte à une cause nationale, pour des objectifs purement électoralistes. Et personne n’a osé bouger le petit doigt pour le sanctionner.

Dernier épisode à Salé, un élu PJD, Jamâa Mouatassim, est visé pour une plainte pour une étrange affaire d’abus de pouvoir et de détournement de fonds. L’homme jugé très intègre par ses partisans, semble faire les frais du souhait du PAM d’écarter (par tous les moyens) le PJD de la gestion des affaires locales dans les principaux conseils municipaux au Maroc. L’histoire avait commencé à Oujda, semble en cours à Salé, et devrait bientôt s’étendre à Rabat et Casablanca. Et dans le cas de Mouatassim, c’est l’appareil judiciaire, Ô combien indépendant de l’exécutif et des sphères du pouvoir, qui semble instrumentalisé.

Comment garantir qu’un parti fondé par un ami très proche du roi, puisse respecter les règles du jeu démocratique? Comment espérer que certains membres du parti n’utilisent pas cette proximité comme arme électorale? On a peut-être déjà oublié que des candidats PAM lançaient aux électeurs (ruraux essentiellement) une phrase magique pendant les campagnes électorales : “Si vous êtes pour le roi, il faut voter PAM. Sinon vous êtes contre le roi.”

Garantir que cela ne se reproduise plus suppose une seule action : dissoudre le PAM.