L’Etat aurait-il dû privatiser Maroc Telecom?

Ahizoune & Fourtou

Alors que Vivendi s’apprête à vendre ses parts de Maroc Telecom, achetées à l’État marocain une douzaine d’années auparavant, certaines voix s’élèvent ici et là pour demander à re-nationaliser ce mastodonte et s’interrogent sur le bilan de sa privatisation.

Il y a quelques jours, le patron de la centrale syndicale CDT a même explicitement demandé à l’État de racheter les parts de Vivendi, afin de renforcer la souveraineté nationale dans ce domaine stratégique. Si une telle éventualité est totalement exclue au vu de l’état catastrophique des finances publiques, il en est de même pour un acteur privé marocain. Aucune entreprise ou institution marocaine n’a aujourd’hui les moyens de mettre sur la table les 4 à 5 milliards d’euros demandés par Vivendi.

Si la nationalisation est donc totalement exclue, on peut légitimement se poser des questions sur le bilan de sa privatisation en 2001.

Est-ce que Maroc Telecom aurait pu atteindre son stade de développement actuel s’il était resté dans le giron des entreprises publiques?

La question est réellement délicate. Il est indéniable aujourd’hui que l’arrivée de Vivendi a contribué à moderniser la lourde machine qu’était cette entreprise issue de la scission de l’Office National des Postes et Télécommunications. Certes, à coup de licenciements et de programmes de départs volontaires, mais aussi grâce à une réorganisation et un pilotage plus orienté performance. Mais fallait-il attendre que Vivendi ramène ses cadres pour le faire? Le contre exemple de la transformation de l’OCP en quelques années prouve qu’une profonde transformation d’une entreprise étatique n’est pas impossible. En quelques années, la profonde restructuration menée par M. Terrab a permis de transformer ce vieil office qu’était l’OCP en une entreprise d’envergure internationale capable de concurrencer les plus grands.

L’argument qui revenait souvent au moment de la privatisation de Maroc Telecom est celui du transfert technologique. On a longtemps martelé que l’opérateur avait besoin d’un acteur international pour lui ouvrir les portes de l’expertise technique internationale. Qu’en est-il dans les faits? Il suffit de comparer les offres techniques et les moyens déployés chez les autres filiales de Vivendi (SFR en France et GVT au Brésil), pour se rendre compte qu’aucun transfert technologique n’a été opéré. Les équipementiers de télécommunications classiques (Nokia Siemens Network, Ericsson, Huawei…) passent des marchés directement avec l’opérateur sans aucune intervention de Vivendi. Seules quelques contrats d’assistance technique avec SFR (facturés au prix fort) sont en place et restent très limités par rapport aux contrats passés avec les équipementiers. Autre preuve : les 2 pôles techniques de l’opérateur sont dirigés par des marocains, alors que les pôles financiers et juridiques sont dirigés par des français. C’est dire l’importance qu’accorde Vivendi à ses flux financiers.

Qu’en est-il du prix encaissé par l’État en 2001 et 2005? Le meilleur moyen de l’évaluer après 12 ans de l’opération, est de calculer le taux de rentabilité interne (TRI) de l’actionnaire Vivendi. En retraçant les flux déboursés par Vivendi pour l’acquisition des 35% de Maroc Telecom en 2001, puis des 16% supplémentaires acquis en 2005, et en y ajoutant les dividendes obtenus durant ces 12 ans, en plus du prix de vente escompté par Vivendi (arrondi à 50 milliards de DH), on obtient un TRI actionnaire de 11%. Il n’inclut toutefois pas les contrats d’assistance technique (considérés parfois comme des dividendes cachés), ni l’effet d’achat groupé avec les autres filiales de Vivendi.Un tel niveau de TRI peut paraitre à première vue élevé, mais reste très raisonnable par rapport aux TRI généralement obtenus par des capital risqueurs. On peut donc légitimement dire que l’ex-ministre des finances Oualalou avait bien négocié le montant des deux chèques de Vivendi.

Vivendi Maroc Telecom(Cliquez pour agrandir)

Douze ans après sa privatisation, Maroc Telecom reste une machine à cash importante pour l’État. En 2011, on estimait à environ 10 milliards de DH les recettes de l’Etat à partir de Maroc Telecom (dividendes, IS, TVA, contribution obligatoire au fonds pour la recherche scientifique…). Le chiffre est certes appelé à baisser avec la baisse des résultats de l’opérateur, mais il continuera à constituer une part non négligeable dans les recettes annuelles de l’État.

Pour résumer, l’opération de privatisation de Maroc Telecom était à l’époque une bonne opération financière pour l’État, et continue de l’être grâce aux dividendes et impôts générés par l’opérateur. Si le développement en Afrique subsaharienne a été un choix judicieux pour s’assurer des relais de croissance, l’opérateur n’a néanmoins pas pu bénéficier pleinement des transferts technologiques qui auraient dû accompagner l’opération. Une dimension malheureusement toujours négligée dans de pareilles opérations, car on pense souvent à l’effet immédiat (cash), et on néglige l’effet à moyen et long terme des transferts technologiques et de savoir faire sur l’économie et la recherche dans le pays…

Sources :

MT Box ou l’arnaque ADSL par Maroc Telecom

 

Vous avez envie d’une connexion Internet ADSL plus confortable que celle offerte par la 3G? Vous avez en plus envie de communiquer de manière illimitée sur votre téléphone fixe? Et aucune envie d’installer une antenne parabolique sur votre toit. Vous avez donc besoin d’un accès à un bouquet de chaines de TV via ADSL. Vous vous renseignez chez vos amis, et vous découvrez tout d’un coup qu’il n’y a qu’un seul opérateur qui puisse vous offrir tous ces services : la bonne vieille Maroc Telecom…

Pourquoi n’a-t-on donc pas le choix entre différents opérateurs sur ADSL, alors que la concurrence fait rage par exemple sur le mobile? C’est une question à laquelle nos éminents savants n’ont pas encore trouvé de réponse…

Vous vous résignez donc à aller chez l’agence de Maroc Telecom la plus proche, malgré la réputation peu recommandable de l’opérateur historique (puisque vous n’avez pas le choix…).

Après plusieurs jours/semaines/mois, un technicien se déplace chez vous et vous installe le joujou. Tout semble bien marcher les premiers jours, jusqu’à ce que vous découvrez que le débit qu’on vous a promis (4 Mbps dans la plupart des cas) n’est que théorique. Le soir ou les weekends il baisse de moitié voire plus. Vous vous dites que ce n’est pas grave, et que ca devrait passer (puisque vous n’avez pas le choix…)

La 2ème surprise vient quelques semaines après l’installation. Vous recevez une facture nettement plus élevé que ce qu’on vous a promis dans les campagnes de pub. Non seulement vous devez payer un mois à l’avance, mais il vous faut en plus payer pour le matériel que l’on vous a installé (Routeur ADSL et boitier TV ADSL) , malgré votre engagement pour 12 mois. Son prix? 425 DH. Et ça, on nous vous en a parlé nul part… Vous avalez tout de même la couleuvre et vous résignez à payer. (puisque vous n’avez pas le choix…)

La 3ème surprise, intervient après quelques jours. Vous souhaitez appeler des amis à l’étranger via Skype. Vous avez bizarrement beaucoup de mal à vous connecter. Et quand vous arrivez enfin à le faire, la connexion est coupée au bout de quelques minutes. Et là, impossible de vous reconnecter. Renseignements pris, on vous apprend qu’à défaut de pouvoir légalement interdire la VoIP (Skype et autres), Maroc Telecom dégrade volontairement la qualité des communications via Skype. Normal, au bout d’un moment, vous passerez vos communications internationales  directement de votre ligne fixe (Maroc Telecom puisque vous n’avez pas le choix…) au prix bien exorbitant que l’on connait, alors que les boxs dans les pays européens offrent des communications gratuites vers le fixe un peu partout dans le monde… (vous n’avez pas le choix…)

Quelques mois plus tard, votre ligne subit des coupures inexplicables. Sauf que  quand la ligne ADSL MT Box coupe, c’est également votre TV ADSL et votre ligne téléphonique qui deviennent indisponibles. La première fois, vous vous dites que ce sont des choses qui arrivent. Mais au bout de quelques jours, l’incident devient répétitif, et se reproduit chaque 10 à 15 minutes. Là vous vous décidez à appeler le service ADSL (le 115)  à qui vous exposez gentiment votre problème.

Au début, on vous prend systématiquement pour un débile : “Votre MT Box est-elle allumée?” “Les câbles sont-ils correctement raccordés?” “-Avez-vous la tonalité téléphonique? – Tu vois bien que je t’appelle de la même ligne non?” .  Au bout de 5 minutes, ils s’aperçoivent (ô miracle) que le problème vient peut-être de Maroc Telecom.  Là ils se résignent à vous envoyer un technicien qui sera là dans 1 à 2 jours (promis, juré, wallah l3adim mon frère). 4 jours passent, vous attendez toujours ce technicien qui ne fait toujours pas signe. Vous rappelez, une, deux, trois, dix fois, pour pouvoir tomber sur un téléopérateur. Quand celui-ci répond, il vous promet la même chose : un technicien chez vous après 1 à 2 jours. 15 jours après, le technicien vous téléphone : “Je suis devant chez vous. Où est-vous?” “Mais il fallait m’appeler avant pardi! Les rendez-vous c’est pour les chimpanzés?” Vous comprenez plus tard que les employés de Maroc Telecom croient tous que leurs clients  sont des hommes/femmes au foyer qui  attendent patiemment le passage de leurs techniciens  à la maison, ou n’ont d’autres choses à faire que de faire le tour des agences commerciales pour résoudre leurs problèmes… Le technicien revient plus tard examiner les lignes, et vous répond que tout est réglé. Bien contents, vous vous dites, que tout est peut-être rentré dans l’ordre. Et rebelote. Le même problème resurgit après quelques heures. Le problème était loin d’être réglé.

Vous vous résignez à rappeler le 115. On vous dit que cette fois-ci le problème vient de la centrale. Laquelle? On ne peut vous répondre. Quand est-ce que ca sera réglé? Très prochainement. Dans 2 jours maximum. Passent une, deux, trois semaines. Vous n’oubliez pas de rappeler le 115 chaque jour en rentrant, de leur demander s’ils vont bien, la santé, la famille… (on s’habitue vite à ses nouveaux amis). Mais vous n’oubliez pas de leur rappeler que le problème n’est toujours pas résolu. On vous répond que “Ykoun khir “, et que le problème sera réglé dans 2 jours grand max  (promis, juré, wallah l3adim mon frère).  Au bout d’un mois, vous explosez au téléphone, et les gentils bonhommes du 115 ne trouvent pas d’autres solutions pour vous que d’aller directement à l’agence commerciale la plus proche. Vous allez dans l’agence un samedi matin, poiroter pendent 2 heures en attendant votre tour. Vous exposez gentiment votre problème à la dame, qui dès qu’elle vous entend formuler la phrase “Problème technique ADSL”, vous tend le combiné posé sur le comptoir en vous disant : le 115 est l’unique interlocuteur dans le cas de problèmes techniques. “Mais puisque je vous dis que c’est eux qui m”ont envoyé ici!” “Ca doit être une erreur”.  Hurlez, criez, faites ce que vous voulez: des clients mécontents, ils en voient des dizaines par jour. Ils sont habitués.

On vous promet de résoudre votre problème dans 2 à 3 jours maximum (promis, juré, wallah l3adim mon frère). Vous rentrez complètement dégoûté chez vous, et vous réalisez que vous avez du courrier : une facture Maroc Telecom. Ca, il faut le reconnaitre, le service de facturation est très compétent chez l’opérateur historique , vous  envoie toujours les factures à temps, vous accueille à bras ouvert, et vous offre tous les moyens possibles et imaginables (sauf les cartes bancaires dans les agences, mais ça c’est une autre histoire…)  pour vous acquitter de votre dû (peut importe si leur part du contrat est remplie, car ça, ils s’en foutent).

Le même jour, vous tombez sur un article de journal qui dit que Maroc Telecom n’a pu vendre que 50 000 abonnements MT Box (sur 630 000 abonnés ADSL) en 5 ans d’existence : un véritable fiasco commercial… Et là vous vous vous dites que c’est bien mérité pour leurs gueules!

Messieurs les dirigeants de Maroc Telecom, si votre profitabilité (une des plus grandes au monde faut-il le rappeler?) est en déclin, et que votre cours boursier atteint son niveau le plus bas depuis 5 ans, il ne faudra blâmer que vous même et la médiocrité de vos prestations et de la relation avec vos clients. Ils sont votre véritable capital, et ils causeront très probablement votre déroute.

Ce billet est inspiré d’histoires bien réelles (la mienne entre autres…).

 

Comparatif des tarifs GSM au Maroc : Inwi, Méditel et Maroc Telecom

Les chiffres de ce post étant obsolètes, merci de vous référer au dernier comparatif des tarifs de GSM prépayé au Maroc.

Le lancement récent d’Inwi a certainement bousculé le paysage de la téléphonie mobile au Maroc, ne serait-ce que par l’introduction de la tarification à la seconde. Longtemps réclamée par les consommateurs, qui s’attendaient plutôt à une décision règlementaire de l’ANRT permettant aux consommateurs de ne payer que ce qu’ils ont consommé, la solution est finalement venue du dernier venu dans le monde GSM au Maroc. Mais cela poussera-t-il les autres opérateurs à adopter le même mode de facturation? Rien n’est moins sûr!

Méditel et Maroc Telecom mettent aujourd’hui en valeur leur tarification plus avantageuse que celle d’Inwi. Avec le système des doubles (voire triples) recharges, les 2 opérateurs pratiquent en réalité des prix bien inférieurs à ceux d’Inwi, une fois un certain palier dépassé.

Un tour dans les sites web des 3 opérateurs permet de dresser le tableau suivant :

Tableau comparatif des tarifs GSM en prépayé des 3 opérateurs au Maroc

Si on prend en compte des recharges en prépayé uniquement effectuées pendant les périodes de promotion de double recharge (ce qui est pratiquement le cas pendant toute l’année!), on peut comparer les prix des communications comme suit :

Tableau comparatif des tarifs GSM en prépayé des 3 opérateurs au Maroc (corrigés des promotions de double recharge)

Première remarque, le système de tarification de Méditel et Maroc Telecom est bien trop compliqué pour les consommateurs. Un récent sondage l’a d’ailleurs souligné, les marocains ne font plus confiance aux promotions des opérateurs, tant le système est complexe et peu transparent. Et Inwi l’a bien compris en introduisant une tarification unique vers tous les opérateurs, quelle que soit l’heure de la journée.

Deuxième remarque, les prix restent chers, au point que l’Union Internationale des Télécommunications a classé le Maroc comme 2ème pays arabe le plus cher en terme de communication mobile, après les Iles Comores.

Troisième remarque, les opérateurs font peu d’efforts pour convertir leur clientèle prépayée en clientèle post-payée… La première représente 95% du parc total, et même les plus aisés d’entre eux ne semblent pas motivés à sauter le pas, et à souscrire à un abonnement, tant les avantages ne sont pas importants par rapport à la liberté de recharger son téléphone quand on veut.

Avec un taux de pénétration de 80%, les opérateurs devront désormais se battre pour fidéliser et garder leur clientèle. Il en va surtout de leur santé et de leur pérennité financière!