L’ultralibéralisme économique : cette facette méconnue du PJD

Benkirane - WEF
Benkirane au World Economic Forum de Davos

Il existe une facette chez le PJD, qui est assez méconnue, et rarement mise en avant dans le discours populaire de ses dirigeants. Elle se manifeste souvent à travers des actions, des décisions ou des prises de position rapportées de réunions à huis clos.
L’ultralibéralisme du PJD, puisque c’est de cela que l’on parle, s’est dernièrement manifesté lors d’une récente sortie du Chef de Gouvernement, Abdelilah Benkirane, pendant une cérémonie de la Banque Africaine de Développement. Il déclare [1] [2] [3]: “Il est temps que l’État lève le pied sur certains secteurs, comme la santé et l’éducation” et que “le rôle de l’État doit se limiter à assister les opérateurs privés qui veulent s’engager sur ces secteurs”.

Est-ce une boutade? Une déclaration incontrôlée? Cela ne semble pas le cas, au vu des réalisations de l’actuel gouvernement dans différents domaines.

L’éducation : le privé en sauveur

On assiste depuis 2 à 3 ans à une explosion du nombre d’université et facultés privées, dans un contexte de faillite totale de l’éducation publique. La libéralisation des études en médecins avec l’ouverture de deux facultés de médecine privées à Casablanca et Rabat (et aucune ouverture de nouvelle faculté publique de médecine), plusieurs écoles d’ingénieurs privées marocaines et étrangères (et aucune nouvelle école d’ingénieurs publique), plusieurs universités et campus privés multidisciplinaires (et aucune nouvelle université publique)… L’État semble se résigner à construire des amphithéâtres à la va-vite pour remédier au surpeuplement des universités publiques, mais manque de  stratégie à court, moyen et long terme pour faire face aux profonds changements démographiques devant (ou plutôt ont déjà commencé à) faire exploser le nombre d’étudiants dans les cycles supérieurs de l’enseignement. L’autre revirement constaté depuis quelques mois, est la reconnaissance par l’État de certaines universités privées, ligne rouge qu’aucun gouvernement depuis l’indépendance du Maroc n’a osé franchir! Sans oublier le souhait, que n’a jamais caché le ministre de tutelle, M. Daoudi, de rendre les universités publiques payantes. Mesure qu’il n’a jamais pu appliquer face au tollé général.

Au niveau de l’enseignement primaire, même l’ONU s’inquiète dans un récent rapport du poids excessif que prend l’enseignement privé dans l’enseignement primaire. Au rythme de croissance de l’enseignement privé au Maroc, 97% des élèves du primaires devraient être inscrits dans des écoles privées d’ici 25 ans.

L’éducation publique ne joue/jouera plus son rôle d’ascenseur social, et l’accès à une éducation de qualité sera réservé à ceux qui pourront se la payer. Une forme de reproduction des élites sera alors en cours.

Santé : “marchandisation” des soins en cours

Le secteur de la santé s’apprête à connaître un chamboulement majeur avec l’ouverture du capital des cliniques à des investisseurs privés, alors que l’ouverture de celles-ci était strictement réservée aux médecins. Un pas de plus vers la “marchandisation” du secteur, en le rendant régi par les dures lois de rentabilité financière, sans beaucoup d’égard au caractère très particulier du secteur.

Pendant ce temps, les hôpitaux publics souffrent d’énormes manques de moyens, de problèmes de disponibilité du personnel médical, souvent très occupé à servir dans les cliniques privées, qui seront encore plus nombreuses avec la nouvelle loi. La classe moyenne se rue, malgré ses moyens limités vers les cliniques pour le moindre petit souci de santé, alors qu’elle est censée recevoir un service public de qualité, ne serait-ce qu’en contre partie des lourds impôts qu’elle paye. Quand aux plus démunis, ils n’ont d’autres choix que de se résigner d’aller aux hôpitaux publics, ô combien insalubres, pour tenter de se faire soigner et d’en sortir vivants.

Infrastructures : l’État se désengage de plus en plus

Après la libéralisation de la production de l’électricité, qui profite largement au holding royal SNI, via sa filiale Nareva (parcs éoliens, station électrique géante de production via charbon “propre” à Safi…), une décision passée largement inaperçue concerne un des secteurs les plus vitaux pour le Maroc : l’eau. Ou plus précisément, la production hydroélectrique. Sur décision du ministre PJD de l’Énergie et des Mines, M. Abdelkader Amara, des groupes privés pourront désormais construire leurs propres barrages pour produire de l’électricité, revendue ensuite à l’ONEE. Ainsi, il reviendra aux investisseurs privés de choisir le site qui leur convient (et qui offre donc la meilleure rentabilité financière possible), et d’y construire un barrage, et de “lâcher” les eaux, au gré des désirs et des souhaits de ces investisseurs. Alors que c’est à l’État que revenait jusque là, cette mission de construction des barrages et de contrôle de leurs niveaux d’eau. Ne se rend-on pas compte que nous sommes en train de confier ce qui est notre ressource naturelle la plus précieuse à des entreprises pour lesquelles seule la rentabilité financière importe? Le groupe Brookstone Partners qui se dit américain, s’apprête d’ailleurs à construire 3 barrages pour se lancer dans la production électrique. Qui les contrôlera?

Un discours de moralisation de la vie politique, mais économiquement ultralibéral dans les faits

On a vu ainsi que depuis 3 ans, le gouvernement PJD ne cesse de lancer un discours moralisateur de la vie publique (largement inefficace, mais là, c’est une autre histoire), alors que économiquement, le parti se positionne sur un registre ultralibéral, qui limite le rôle de l’État à un facilitateur de business (comme le décrit M. Benkirane).

Et le service public dans tout cela? Pourquoi les marocains payent-ils leurs impôts? Est-ce uniquement pour que l’État exerce ses pouvoirs régaliens (sécurité, justice, monnaie) ? Ce n’est pas en tout cas l’attente des marocains qui croulent sous le fardeau de la pauvreté et des inégalités profondes.

Les marocains attendent de recevoir un service public de qualité, en termes d’éducation, de santé, d’infrastructures… La classe moyenne ne demande pas forcément des revenus supplémentaires, mais plutôt des services publics qui lui permettront d’alléger ses finances alourdies année après année par les charges toujours plus exorbitantes de logement, d’énergie, de transport… et auxquelles il faut rajouter les charges liées à l’éducation de leurs enfants et des frais de santé, qui sont censés être fournis gratuitement par l’État. N’est-ce pas une contrepartie juste pour les impôts toujours plus lourds qu’ils payent?

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One thought to “L’ultralibéralisme économique : cette facette méconnue du PJD”

  1. Je suis globalement d’accord avec les grandes lignes de l’article…walakin, moralisation de la vie publique, moi je dis il n’en fait pas^^
    Cf benkirane à AlJazeera: “Nous ne sommes pas un parti islamiste”, tout est dit!

    Sinon, 3 points:
    Pour les univesités nouvelles, j’ai entendu parler de quelque chose qui se faisait à Laayoune, je n’ai pas plus de détail pour l’instant mais c de la bouche d’un parlementaire PJD

    Pour la démographie, l’explosion, c’est du passé. Les marocaines font maintenant moins de 2 enfants par femme…donc la surpopulation d Facs fera partie du passé dans les 20 prochaines années…et le privé manquera peut être de jeunes à recruter…

    Pour la monnaie…pour le coup, n’étant plus le principal créateur de monnaie, et relégué au rôle de simple “imprimeur” de 5% de la masse monétaire…par le GPBM…C’est un éloge inutile que tu sembles faire à l’état et une responsabilité dont il s’est déchargé il y a longtemps. Comme pour les autres secteurs dont il prévoit de se désengager, il a abandonné son rôle de producteur de monnaie à celui de contrôleur pur et simple

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