De l’hégémonie des entreprises françaises au Maroc

Quiconque s’intéresse à l’économie marocaine ne manquera pas de remarquer que les entreprises françaises y tiennent une place bien particulière. Cinquante-cinq ans après l’indépendance du Maroc, le tissu économique est dominé par une présence française bien marquée.

Après le processus de marocanisation des années 70, qui tenait plus de la chasse de l’étranger que de politique économique, le Maroc a entamé un processus de privatisation pendant les années 90 faisant massivement appel aux investisseurs étrangers.

Mais malgré la marocanisation forcée des entreprises étrangères, les françaises ont su garder une présence très forte au sein de l’économie marocaine, soit en restant minoritaire dans le capital des entreprises marocanisées, ou en tissant des liens commerciaux très forts avec des partenaires marocains. Et la privatisation ne leur a permis qu’un retour en force.

En jetant un coup d’œil aux entreprises françaises du CAC 40,  on constante que la quasi-totalité est présente d’une manière ou d’une autre au Maroc. Cela va d’une filiale propre (Total, Sanofi-Aventis, Renault…) à une participation majoritaire (Vivendi…) ou minoritaire (Danone, Lafarge, Arcelor Mittal…) dans des entreprises marocaines, sans oublier les entreprises détenant des concessions de services publics (Suez Environnement, Veolia Environnement…).

Et à voir l’actualité économique, la tendance n’est pas prête de s’inverser. Le très controversé projet du TGV reste un exemple frappant. Deux entreprises françaises (Alstom et la SNCF) réaliseront la majeure partie du projet, sans avoir participé au moindre appel d’offres! Encore plus frappant, la concession d’exploitation du tramway de Rabat-Salé a été obtenue par Transdev, qui a fusionné quelques jours auparavant avec son seul concurrent sur cette concession, Veolia Transport (elle même concessionnaire du service d’autobus de Rabat!).

A se demander si les français sont les seuls à détenir un savoir faire dans ces domaines! Pourquoi une telle hégémonie alors? Pourquoi ne voit-on quasiment jamais des mastodontes nord-américains ou allemands remporter des marchés publics au Maroc? Où sont passés les General Electric, Siemens ou Bombardier ?

Les raisons sont bien évidemment historiques. La fin du protectorat français n’ayant pas été aussi brutale que dans d’autres pays (l’Algérie par exemple), les français ont gardé de solides relations économiques avec leur ancienne colonie marocaine. L’élément linguistique est aussi déterminant . Un chef d’entreprise marocain ou un élu est plus disposé à parler en français avec ses interlocuteurs qu’en anglais ou allemand (et là, c’est un autre débat…).

Sauf que beaucoup évoquent une toute autre raison. Les entreprises françaises sont réputées moins regardantes sur les procédures de conformité (ou compliance pour les initiés), et n’hésitent pas à faire fonctionner les réseaux d’intermédiaires et de tenter d’amadouer d’une manière ou d’une autre les décideurs dans les dossiers stratégiques. Et cela inclut bien sur des commissions occultes ou de bakchichs bien garnis. Et il suffit de jeter un coup d’oeil sur l’historique de procès pour corruption dans pays étrangers pour s’en rendre compte… Les entreprises anglo-saxonnes restent plus réticentes à employer ces moyens, car leurs gouvernements ont établi des chartes d’éthique très strictes vis-à-vis de la corruption dans les pays en voie de développement, et dont l’infraction implique des procès retentissants (avec tout l’impact que cela peut avoir sur leur image), et des amendes dissuasives.

Entre temps, les entreprises françaises continuent à considérer le Maroc comme leur chasse gardée, et à se servir de ses entreprises comme des vaches à lait, servant surtout à remonter des dividendes aux maisons mères en temps de crise (voir rapport annuel de l’Office des Changes), et sans envisager aucun transfert de technologie ou de savoir faire aux marocains.

Nos politiciens devraient peut-être penser à mettre de coté leur francophilie très prononcée et se rendre à l’évidence que des entreprises non-françaises peuvent remporter des appels d’offres avec des conditions plus avantageuses et des technologies plus innovantes. Mais peut-être qu’ils n’ont juste aucune envie de le faire. Pour des raisons qui leur sont bien particulières…

20 thoughts to “De l’hégémonie des entreprises françaises au Maroc”

  1. Peut on envisager que cette place faite aux entreprises françaises ait une contrepartie implicite sur la dimension géostratégique de la relation entre les deux pays ?

  2. Il y a un domaine qui échappe aux français : les avions. La RAM n’achète pratiquement que du Boeing. Leur parc aeronautique ne compte quasiment pas de Airbus.
    Perso, je me disais que le fait que le directeur commercial de Boeing soit marocain y ait pour quelque chose. Mais doit y avoir d’autres raisons du style les pilotes marocains passent plus leurs stages aux States qu’en Europe

  3. @une marocaine : Il y a aussi le fait d’avoir une flotte homogène réduit considérablement les coûts de maintenance et de formation.
    Et le directeur marocain était à la RAM avant de partir chez Boeing. Ca n’a joué que tardivement dans l’affaire.

  4. Le domaine aeronautique n’echappe en rien au constat pertinent de cet article. EADS, Airbus (une de ses filliales), Safran (qui s’occupe justement de la maintenance des avions de la RAM avec Snecma entre autres…) et bien d’autres compagnies europeennes et francaises en particulier s’accaparent ce marche. D’ailleurs nous attendons toujours nos Avions de chasses F1 et autres radars qui sont eux aussi francais… Ceux qui ont visite l’AeroExpo de Marrackech ont pu constater l’ampleur de leur presence. Bref ils l’ont bien compris, le marche est juteux et cela se fait au detriment des entreprises marocaines competentes… Bay3in lblad
    ps: je n’ai plus le pourcentage mais la plus part des avions achetes par la RAM le sont d’occasion. Autant dire que dans ce cas la, Boeing ou Airbus, les francais s’en cognent presque…

  5. Il me semble pourtant qu’il y a d’autres investisseurs au Maroc. A commencer par les Espagnols, les Italiens ou encore les Américains avec la signature d’un accord de libre échange.

    Contrairement à ce qui a été dit, il y a des transferts de technologie et il ne s’agit pas que d’une délocalisation pour les faibles coûts de production. Le Maroc est apprécié pour ses ingénieurs qui commencent à lui manquer.

    A titre d’exemple, STMicro à Casablanca, Labinal, la SNECMA, Renault, ou encore Alcatel ne sont pas que des arrières gardes.

    Le Maroc est devenu l’une des principales destinations des IDE français et l’on ne peut que s’en satisfaire.

    Il est vrai par contre que le Maroc doit accélérer les investissements dans les infrastructures plus particulièrement sur les voies de communication afin de désenclaver une partie du royaume encore isolée. Le Maroc doit également réformer son système éducatif, son système de santé pour réduire les inégalités mais aussi appuyer son secteur touristique pas assez valorisé. La réduction de la dette au prix d’un délestage de quelques joyaux nationaux lui a permis de tomber dans les règles du PSC européen mais est-ce suffisant ? Le Maroc reste le pays qui a le plus fort taux de croissance au Maghreb loin devant l’Algérie pétrolière et la touristique Tunisie. On peut s’en féliciter.

    ++

  6. Bonjour,
    Il n’est nul doute que la dimension historique joue pour beaucoup dans cette affaire, notamment les accords à l’indépendance. La France a conservé le Maroc comme marché pour écouler ses productions (voitures, livres journaux magasines et dicos, appareils électro-ménagers, mais aussi la francophonie!!) en échange, le Maroc a le support de la France sur beaucoup de thématiques; la plus importante et non des moindres: la reconnaissance et l’appui sur l’intégrité territoriale du royaume. Le développement du business français au Maroc bénéficie grandement de l’infrastructure culturelle établie par ladite francophonie, ce qui favorise l’implantation d’unités de production à prix modiques, des centre d’appels s’adressant majoritairement aux consommateurs/public français (+ de 10 000 salariés et cadres) ce qui représente une aubaine inestimable pour le Maroc n’ayant pas où écouler les lauréats de son système éducatif. A priori c’est un constat d’un rapport gagnant-gagnant, mais les marocains ne mesurent pas ce qu’ils perdent en restant prisonnier de la langue française en comparaison avec ce que peut leur offrir une infrastructure anglophone: Non seulement des produits de meilleure qualité, mais beaucoup de possibilités de s’instruire et d’évoluer à tous les niveaux au vue de la disponibilité des ressources documentaires et éducatives gratuites et le Pragmatisme qui n’a jamais été le fort du système français.
    Ceci reste une décision politique qui demande beaucoup de courage et d’indépendance, et étant donné que la situation actuelle du pays ne le permet pas, et que nous ayons osé pacter commercialement avec les américains aussi, nous achèterons probablement à la France, et par pure complaisance, autre chose qu’un TGV; espérons avoir beaucoup de chance pour que ça ne soit pas un Concorde.
    Aller, bonne nuit à tous…

  7. C’était prévu et c’est ce qu’on a appelé dés 1957…l’indépendance dans l’interdépendance !

  8. @Hadi :
    Tu as tout dit 🙂

    @sam_
    Je ne crois pas qu’on peut compter une usine de cablage ou de montage automobile comme un transfert technologique. Ca aurait pû être le cas si les technologies étaient vraiment de pointe, et que le transfert se fasse à des niveaux d’ingénieurs. Sauf que dans ses cas que tu cites, les tâches sont essentiellement effectuées par des ouvriers, et au mieux par des techniciens…
    Quand tu parles d’autres entreprises non-françaises, il y en a bien sûr, mais pas autant que les françaises. Et ces dernières ont surtout une mainmise sur les marchés publics, dont elles remportent les plus gros morceaux. C’est ce qui est très contestable.
    Concernant les accords de libre échange, ils sont plus la plupart des fiascos. Le Maroc ne profite pas du tout de ALE avec les USA par exemple. Tout simplement parce que les américains ont des barrières autres que douanières pour l’entrée de marchandises sur leur territoire : barrières sanitaires, exigence de qualité… Et nos exportations sont loin de les remplir. Ce qui n’est pas le cas dans le sens inverse…
    Dernier point : la croissance n’aurait pas été aussi forte ces 2 dernières années si n’avait pas autant plu. Il suffit de jeter un coup d’oeil à la croissance du PIB non agricole pour s’en rendre compte…

  9. Le deal est certes en partie biaisé pour le Maroc mais qu’a t on comme autre perspective ? L’usine Renault de TangerMed n’est elle qu’une usine de sous traitance même si son lancement a été repoussé à cause de la crise ? Comment financer les coûteux programmes éducatifs (l’un des plus mauvais de la zone MENA), la santé en ne misant que sur le tourisme (mal valorisé et donc sous exploité) ? Les IDE ont le mérite, même s’ils sont à faible valeur ajoutée, de donner des perspectives au Maroc, de créer de la valeur ajoutée et de rééquilibrer les finances du Royaume par les entrées fiscales mais pas seulement. Il y a aussi les grands chantiers qui donnent du travail et permettent de diminuer le taux de chômage des jeunes d’un pays jeune. Le poids du secteur primaire est encore fort (dépendant de la pluviométrie) mais le secteur secondaire et tertiaire a énormément participé à la croissance marocaine (qui est la plus forte du Maghreb).

    Maroc

    PIB – croissance réelle:

    5.1% (2009 est.)
    6.2% (2008 est.)
    3.2% (2007 est.)

    Répartition :PIB – composition par secteur

    Agriculture: 18.8%
    Industrie: 32.6%
    Services: 48.6% (2009 est.)

    Source : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/mo.html

    Si l’Algérie ne faisait pas d’obstruction au sein du Maghreb, il aurait été possible de créer une zone de libre échange, une monnaie unique et une dynamique pour les Maghrébins. Au lieu de cela, le Maroc est obligé de s’arrimer à l’Europe mais dans le contexte actuel où les PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne) deviennnent les parents pauvres de l’UE, pas sûr que l’Allemagne ou la France, les deux têtes de pont européens, veuillent réitérer l’exemple grec alors même qu’ils refusent l’entrée de la Turquie au sein de l’UE (membre de l’OCDE) bien avant la récente intégration d’Israel. Le statut avancé octroyé au Maroc est un moyen supplémentaire de récupérer des subsides mais tant que le Maroc n’entame pas de réforme politique (monarchie parlementaire réelle), il restera la bouée de sauvetage de la France et des EUA pour être aux abris des vélléités hégémoniques algériennes. Des vélléités qui vont finir par s’éloigner avec le recul du poids des énergies fossiles. Un recul qui se confirme par l’exploitation du gaz de schiste étasunien qui tend à bouleverser les défis énergétiques globaux.

    ++

  10. @sam_ La croissance du PIB non agricole en 2009 n’a pas dépassé les 3%…

  11. Trés bon billet! Keep it up! Mais…hmmmmm….le titre du billet pourrait être plus objectif et surtout, constructif.

    Vous n’êtes pas Français que je sache. Et pointer du doigt que les entreprises françaises ne sont pas punis par la France pour avoir profités du climat autoritaire, corrompus et clientéliste qui règne chez nous ne sers qu’à rabâcher la perspective post-coloniale. Il faudrait davantage souligner les carences au niveau marocain. Les marocains sont responsables, et il leur incombe de se débarrasser du système opaque et fermé qui permet à une institution de monopoliser les décisions politiques. Je trouve votre perspective trop axée sur les responsabilités éthiques et morales de la France. Un peu comme si les marocains devraient plus demander des autres peuples que d’eux mêmes.

    Allez, je le mets sur le compte de l’auto-censure nécessaire pour s’éviter de grave ennuis au plubopaysdumonde. Mais on ne va pas évoluer sans parler de certains fondamentaux du pays qui sont derrière l’infâme gestion de la chose publique au Maroc.

    Bon week-end, l’ami.

  12. @bibiche
    Les carences dans le système de gouvernance au Maroc sont évidemment bien présentes, et ne pas en parler ne signifie pas leur absence, mais que le sujet est bien connu et acquis.
    Mais dans un acte de corruption, il faut être 2. Une partie qui donne, et l’autre qui reçoit. Et celle qui reçoit n’existe que parce qu’une partie accepte de donner. Et c’est là où se situe le problème.
    Beaucoup d’entreprises à travers le monde refusent catégoriquement de donner le moindre centime, et préfèrent se retirer d’un appel d’offre ou un deal s’ils voient que les conditions de transparence ne sont pas remplies. Ce n’est malheureusement pas le cas de beaucoup d’entreprises françaises présentes au Maroc…

  13. @Omar: “Mais dans un acte de corruption, il faut être 2. Une partie qui donne, et l’autre qui reçoit. Et celle qui reçoit n’existe que parce qu’une partie accepte de donner. Et c’est là où se situe le problème.”

    C’est un problème pour nous en tant que contribuables marocains. Ce n’est un problème ni pour la France ni pour les français. La France s’enrichit par de tel marchés.

    Je ne vois donc pas ce que tu veux accomplir en présentant la chose de cette perspective (c’est encore pire lorsque tu refuses de souligner ce que tu nommes les carences dans le système de gouvernance au Maroc). Les entreprises (publiques et privés) marocaines font la même chose en Afrique subsaharienne.

  14. @Je ne refuse absolument pas de dire qu’il y a des carences de gouvernance au Maroc!!! Relis mes commentaires!
    Et puis pourquoi le G8 signe-t-il un accord entre ses membres pour s’interdire l’usage de la corruption dans les pays en voie de développement? N’est ce pas la meilleure preuve que ca existe bel et bien? Reste à l’appliquer maintenant…

  15. @Omar

    Je trouves que râler parce que la France ne fait rien (ou pas assez) contre ses entreprises qui donnent des pot-de-vin aux Maroc devrait être le dernier de nos soucis. La France à des problemes de corruption EN FRANCE!!! Ce qui se passe ailleurs ne fait (ni ne doit faire) partie de ses priorités.

    Avec les choses outrageantes qui se passent au Maroc (devant lesquelles la corruption n’est presque rien), il est un brin déplacé de se poser en donneur de leçons.

    Ce n’est qu’une suggestion.

  16. je trouve que ce problème n’est pas spécifique au Maroc. Dans tous les pays du Monde vous allez trouver une oligarchie qui profite des contrats, regardez ce qui se passe en Algérie, en Arabie Saoudite (le fameux contrat Al-Yamamah), etc, …
    Ce qui s’est passé au Maroc, c’est que les français ont négocié l’indépendance du Maroc avec d’anciens colabos et quelques pseudo résistants corrompus et non avec les vrais résistants qui n’avaient pas lâché les armes.
    Ce sont ces gens là ou leurs descendants qui continuent à diriger notre pays.

  17. Je n’achète que des sardines marocaines: il y a beaucoup moins de saloperies dedans que dans nos conserves gauloises! Et je suis ravie de les trouver chez nous.

    Vous parlez de filiales mais on est au delà des appartenances à un pays. On touche du doigt la déshumanisation,la dénationalisation, la déstructuration des pays auxquels il s’attaquent.
    En France le petit peuple en souffre aussi. Nous avons des projets de grands travaux inutiles mais rentables pour eux, et nous avons gardé des textes de lois pétainistes qui basent tout sur la spoliation des biens des gens quand ça les arrangent.
    Mais on est à un tel niveau de désillusion qu’on comprend que les Marocains fassent l’amalgame entre nous les pauvres cloches et ces crocodiles du cac40 ou des autres boîtes à fric. On comprend parce qu’on a fait pareil avec les américains et maintenant les chinois. On comprend parce qu’on passe notre vie à parler de “pays des droits de l’homme” alors que chez nous nous pratiquons “le pays des droits des riches”.
    On est vraiment un pays de cons.

  18. xD c’est tu au moins que des fonds chinois et américaines détiennent une partie des capitaux de ces groupes français que tu cites,
    ne mélanges pas tout, quel interêt de parler de total quand tu as le groupe marocain afriquia leader du marché, le monopole pourri non merci, concernant renault les résultat net des groupes automobiles ne sont pas énorme, ne parle pas de vache lait surtout pas renault qui investi énormément au maroc, si l’état vend des parts dans maroc telecom c’est pour couvrir les investissements, ton article est très sombre quand meme, tu ignores (par ordre) afriquia, afric phar, promopharm ou sothema (faut savoir qu’on produit au maroc la plupart des médicaments sur le marché généralement sous licence, fait une recherche sur l’historique et les fondateurs de ces groupes), meditel, wana, ona agro, ynna holding, maghreb steel, etc concernant les marchés publics c’est une autre histoire, le choix du tgv est médiocre je pense, mais au moins alstom investi au maroc, concernant la technologie ne crois surtout pas que la solution est de commander ailleurs ca ne changera rien au contraire. /thalla a chef

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