Stop TGV : Cessez la gabegie!

Au moment où l’économie mondiale connait un ralentissement sans précédent depuis la 2ème guerre mondiale, où l’économie marocaine risque d’être fortement impactée par les malaises des voisins européens, il y a de ces folies que l’ont ne peut plus se permettre.

Longuement discutée sur ce blog, cette aberration appelée TGV marocain continue de faire parler d’elle, mais cette fois-ci grâce à un collectif d’associations marocaines, regroupées pour demander l’arrêt de ce projet inutile dans un pays qui a tant besoin de ses ressources financières pour financer d’autres projets plus prioritaires.

Que peut-on réaliser avec les 25 milliards de DH allouées au projet? Beaucoup de choses :

  • 5 000 écoles ou 3,000 lycées en zone urbaine
  • 25 000 écoles en zone rurale
  • 100 grandes écoles d’ingénieurs ou 300 instituts de formation techniques totalement équipés
  • 25 grands centres universitaires hospitaliers totalement équipés et d’une capacité globale de 22 000 lits
  • 6 000 hectares viabilisés de zones industrielles (36,000 unités industrielles)
  • 16 000 centres socioculturels, bibliothèques ou maisons de quartiers
  • 10 000 médiathèques
  • 16 000 kilomètres de routes rurales

Ne peut-on pas apprendre, pour une fois, des erreurs d’autres pays qui ont opté, ou souhaitaient opter pour les trains à grande vitesse? Le Portugal, soucieux de préserver les deniers publics en ces temps de crise, a reporté le projet de liaison TGV entre Lisbonne et Madrid. L’Argentine, faute de financement, a abandonné l’idée de construction de lignes aussi coûteuses. La France se rend compte que l’exploitation des lignes à grande vitesse est un gouffre financier.

Le Maroc, très mal classé en matière de développement humain parmi les pays arabes, et qui devrait connaitre un déficit budgétaire de 7%, niveau jamais atteint depuis les années 80, continue de s’entêter pour réaliser ce projet/gouffre financier. Et contrairement à l’idée largement répandue, ce projet ne devrait pas être uniquement financé par la France.

Le projet du TGV est financé à hauteur de 5,8 milliards de DH en provenance du budget de l’Etat et du Fonds Hassan II pour le développement économique et social, 1,9 milliard de DH sous forme de dons français et européens et 12,3 milliards de DH sous forme de prêts avantageux consentis par la France et la Banque européenne d’investissement.

Pour résumer, 5,8 milliards du budget de l’Etat (de la poche des marocains donc), 1,9 milliards comme dons européens et français, et 12,3 milliards sous forme de prêts, qui devront dans tout les cas être remboursés par l’Etat marocain (toujours ces pauvres marocains donc…). 2 milliards de dons sur les 20 à 25 prévus pour la construction donc…

Durant les derniers mois, on a entendu ici et là, que les prix des billets devraient être abordables pour une bonne partie des marocains. Supposons que cela est vrai. Compte tenu des coûts exorbitants de l’exploitation de ce type de lignes, cela impliquerait aussi que les prix soient fortement subventionnés, avec comme principale conséquence un gouffre financier pour l’ONCF. 25 milliards à dépenser aujourd’hui, et Dieu sait combien pour garantir l’équilibre financier de l’ONCF dans le futur.

Demandons tous que cette aberration de TGV cesse, et que l’argent  prévu pour le projet serve à financer des projets beaucoup plus vitaux pour les marocains.

Signez la pétition Stop TGV !

 

TGV au Maroc : La gabegie continue. 65% d’augmentation du budget sans aucune explication

 

Importante mise au point : Plusieurs organes et agences de presse (AFP, Reuters…) ont rapporté que le coût total du TGV Tanger-Casablanca était de 33 milliards de DH. De son coté, la MAP avance un chiffre de 20 milliards pour toute la ligne TGV Tanger-Casablanca. Sur le site de l’ONCF, l’office précise que le coût les 20 milliards de DH ne concernent que le trançon Tanger – Kénitra, et que la mise à niveau du trançon Kénitra – Casablanca pour permettre la circulation du TGV sera financée par une partie du contrat programme avec l’Etat dont le montant global s’élève à 13 milliards de DH. Une information plus précise vient d’être rendue publique le 30 septembre dans la note d’information publiée par le CDVM accompagnant l’émission obligataire d’un montant de 1,5 milliards de l’ONCF. Cette note nous confirme (pages 132 à 134) que les 20 milliards ne concernent que le trançon Tanger – Kénitra. Elle précise également que les travaux de mise à niveau de la ligne de Kénitra – Casablanca devraient coûter 4,5 milliards de DH et que la mise à niveau des gares (sans préciser lesquelles) devrait coûter 730 millions de DH. On est donc en mesure aujourd’hui, de confirmer que la ligne TGV Tanger-Casablanca ne coutera pas 20 milliards de DH, mais un montant compris entre 20 et 25,2 milliards. La note d’informations du CDVM pouvant être considérée comme fiable, on peut aujourd’hui confirmer que le montant avancé par la MAP est sous-estimé, et que celui avancé par l’AFP et Reuters est surestimé. Je présente mes excuses aux lecteurs de ce blog qui ont pu être induits en erreur par le chiffre initialement avancé de 33 milliards de DH comme coût de la ligne TGV Tanger – Casablanca. Ceci dit, cette mise au point n’enlève rien à la pertinence du débat sur l’utilité même de ce projet.

 

Cette semaine devrait avoir lieu à Tanger la cérémonie de pose de la première pierre du projet de ligne à grande vitesse destinée à accueillir le TGV Tanger-Casablanca. Ce projet lancé à la surprise générale en octobre 2007 lors de la visite de Nicolas Sarkozy au Maroc, continue de susciter beaucoup de débat concernant son utilité, mais aussi sur son coût exorbitant.

Le coût du projet avancé jusque là était de 20 milliards de DH, soit un peu moins de 2 milliards d’euros. Et au début de ce mois-ci, une autre surprise attendait le contribuable marocain : le coût prévisionnel du projet n’est plus de 20 milliards, mais bien de 33 milliards de DH (~3 milliards d’euros) ! Oui , vous avez bien lu, une augmentation de 13 milliards de DH (plus d’un milliard d’euros), soit 65% d’augmentation, sans qu’aucune explication ne soit fournie!

Comment se fait-il qu’un montant aussi exorbitant soit resté prisonnier des tiroirs administratifs, et qu’aucune information n’ait filtré dessus, jusqu’au moment du lancement effectif par les deux chefs d’états. Comment se fait-il qu’aucune discussion n’ait eu lieu au parlement, censé représenter le peuple marocain, dans un projet aussi exorbitant et engageant pour les finances de l’Etat marocain? La nouvelle constitution tant vantée par le Makhzen ne permet-elle pas un contrôle accru des représentants du peuple sur les finances publiques?

Ne soyons pas naïfs. Il existe une catégorie de projets sur lesquels les parlementaires et les ministres n’ont aucun droit de regard. Des projets tombés d’en haut. Exécutez, trouvez du financement, et venez présenter sur un tapis rouge. De préférence devant beaucoup de caméras. Quid des règles de base de gouvernance économique, des études d’utilité, de rentabilité et d’impact socio-économique, de l’état des finances publiques? Quelle hérésie!

Pour ce manque de transparence, le Maroc s’est vu infligé un sérieux revers en novembre 2010 devant une grande institution financière. La Banque Européenne d’Investissement a rejeté une demande de prêt du Maroc d’un montant de 400 millions d’euros destinés à financer le projet de TGV. Motif? Le contrat concernant les rames TGV n’a fait objet d’aucun appel d’offres, et été octroyé de gré à gré à Alstom. L’Allemagne n’a pas du tout apprécié, et aurait souhaité que d’autres constructeurs (Siemens par exemple) participent à un appel d’offres. Face à ce trou de financement, le Maroc a été obligé de “solliciter” les monarchies du Golfe pour des “dons” visant à boucler le financement de ce gargantuesque projet.

Une question se pose avec insistance. Les finances publiques marocaines connaissent de sérieuses difficultés, de l’aveu même de notre porte parole national préféré. Un déficit budgétaire de 6% est à prévoir pour fin 2011. Et avec le nouveau ralentissement de l’économie mondiale et la crise de la dette européenne, les choses ne devraient pas s’améliorer de sitôt.

Pourquoi ne pas prendre exemple sur l’Argentine, pays pourtant beaucoup plus riche que le Maroc? Le pays avait prévu de construire une ligne de 750 Km entre Buenos Aires et Cordoba pour un coût de 1,35 milliards de dollars, soit un coût 6 fois inférieur à celui du TGV Tanger-Casablanca (3 milliards d’euros pour 350 Km)! Malgré ce coût relativement raisonnable, le pays a suspendu le projet face à des problèmes de financement et de rationnement des dépenses de l’Etat.

Au Maroc, de tels projets sont très rarement remis en cause, peu importe l’état des finances publiques, et du vrai impact de ces projets sur la vie des marocains. On les mets devant le fait accompli, et en cas de déboires, le contribuable marocain passe à la caisse.

Mais revenons 100 ans en arrière. Rappelez vous de la première décennie du XXe siècle. Un certain sultan My Abdelaziz, fan de gadgets venus d’Europe avait fait installer un train dans son palais de Fès (cf “Morocco That Was“, Walter B. Harris, 1921). Ses caprices ont fait l’affaire des marchands européens qui n’hésitaient pas à lui dénicher les gadgets les plus originaux et le lui revendaient au prix le plus fort. Les caisses de l’Etat furent rapidement vidées et les puissances européennes ne pouvaient que s’en réjouir. Quelques années plus tard, le traité de protectorat franco-espagnol fut signé.

Quand on voit l’humiliation que subit aujourd’hui le peuple grec face à sa crise de dette, la déroute où l’ont mené des politiciens sans scrupules, et aux pressions sans fin de ses créanciers, on espère juste que l’histoire ne soit pas un éternel recommencement pour le Maroc…

Articles de presse parlant du budget initial de 20 milliards en 2010 :

 

Quelques liens :

TGV au Maroc : A quoi bon?

Le projet de la ligne à grande vitesse Casablanca-Tanger vient d’être officiellement lancé en ce début d’année 2010, deux ans après l’annonce de sa réalisation par la SNCF et Alstom lors de la visite de Nicolas Sarkozy au Maroc en octobre 2007. Le budget alloué au projet est de 20 milliards de DH, et devrait être opérationnel à la fin 2015.

Beaucoup d’observateurs avaient estimé, au moment de la visite de Sarkozy au Maroc, que l’annonce du projet de TGV, venait pour consoler les français, après l’achat d’avions de chasse américains F16 au lieu des Rafale français comme cela a été annoncé auparavant. Il faut signaler que les marchés ont été attribués de gré à gré à Alstom et à la SNCF, sans aucun appel d’offres. Pratique digne d’un pays bananier, surtout sur des projets aux enjeux aussi importants, et avec d’aussi gros montants engagés.

Mais quel est l’intérêt d’investir 20 milliards de DH sur un projet qui est loin d’être vital pour un pays comme le Maroc? La question tout simplement jamais été posée au marocains, ni à leurs députés censés les représenter.

Que pouvait-on faire avec 20 milliards de DH sur la table? C’est équivalent à deux fois le budget alloué à l’INDH entre 2005 et 2009, à deux ports Tanger Med, ou aux deux tiers du budget d’investissement du gouvernement marocain sur une année. Autant dire qu’on met beaucoup d’argent pour un projet dont l’utilité reste à démontrer…

Contrairement à ce que l’on peut croire, les lignes à grandes vitesses (à trains pouvant rouler à plus de 200 KM/h) ne sont pas aussi répandues dans le monde. Le Japon a été pionnier dans le domaine avec son fameux Shinkansen à la fin des années 60, et d’autres pays ont emboité le pas. On retrouve parmi cette liste le Japon, l’Allemagne, la France, l’Italie, la Chine, l’Espagne ou la Corée du Sud. Les Etats Unis n’en disposent tout simplement pas pour l’instant. Le montage de certains projets est en cours, et le débat fait rage entre favorables et hostiles aux projets.

Un petit graphique comparant le PIB par habitant de ces pays (en PPP) avec celui du Maroc, suffira à nous donner une idée sur la richesse des pays qui disposent actuellement de trains à grande vitesse.

Où va-t-on trouver tout cet argent? L’Etat marocain mettra 5,8 milliards de DH sur la table, la France et l’UE devraient effecteur un don de 1,9 milliards, et le reste (12,3 milliards) proviendra de prêts octroyés par la France et la Banque Européenne d’Investissement. En gros, le tiers proviendra du budget de l’Etat (donc de la poche des marocains) au détriment d’autres investissements plus pertinents, et on laissera aux générations futures le soin de payer les deux tiers restants. Tout cela pour pouvoir relier Rabat à Tanger en 1h20.

Par ailleurs, l’ONCF promets un taux de rentabilité de 12,6%, soit deux fois et demi la rentabilité des TGV français! L’ONCF dit aussi s’attendre à 8 millions de voyageurs sur cette ligne, mais on oublie de nous dire l’essentiel : quel sera le prix à payer pour voyager sur le TGV marocain? Le fait de connaitre par avance le taux de rentabilité d’un projet, implique que l’on ait déjà une idée sur les prix qui devraient être appliqués. Or, cette donnée n’apparait nul part sur les communiqués officiels du projet. Il y a fort à parier que le prix est tellement élevé que l’écrasante majorité des marocains ne pourront pas se payer un voyage sur ce TGV. Et la discrétion qui entoure la question du prix de voyage ne fait que renforcer cette hypothèse. Beaucoup estiment d’ailleurs que la catégorie des marocains pouvant emprunter ce TGV, afin de gagner du temps et voyager de Casablanca à Tanger en 2h10, ont déjà les moyens de le faire en avion, et en beaucoup moins de temps!

Réaliser une infrastructure aussi lourde et à la pointe de la technologie ne pourra être que bénéfique à un pays. Mais si ce pays abrite encore 40% d’analphabète, 15% d’habitants vivant en dessous du seuil de la pauvreté, et dont l’économie dépend encore largement de la pluviométrie, un investissement de 20 milliards de DH dans un TGV est tout simplement de la dilapidation de deniers publics.

 

Cet argent aurait mieux pu servir à réaliser l’extension du réseau ferroviaire vers d’autres villes comme Agadir ou Tetouan, à améliorer la sécurité des passages à niveau voire à les supprimer, ou à acheter de nouvelles rames, plus confortables et plus rapides. Et si on tient tellement à rouler plus vite, l’ONCF aurait pu envisager d’améliorer son infrastructure ferroviaire et permettre aux trains de rouler à des vitesses allant jusqu’à 200Km/h, et ceci avec des investissements beaucoup plus raisonnables que ceux prévus pour un TGV roulant à 350 Km/h. D’ailleurs, un projet est déjà en cours pour réaliser un raccourci entre Sidi Yahya et Mechraa Bel Ksiri, permettant d’éviter de passer par Sidi Kacem, et de réduire la durée d’un trajet Rabat-Tanger d’une heure.

Pendant ce temps là, les entreprises françaises (Alstom et la SNCF entre autres…) ne nous remercieront jamais assez de participer aussi activement à la relance de leur économie. Aux dépends de la notre.