Lors d’un récent voyage dans les pays scandinaves, une chose m’avait tout de suite marquée. A tout heure de la journée, quoi qu’il fasse comme météo, et partout où on allait, les gens arboraient de grands sourires. En enchainant les conversations, dans les trains, les auberges de jeunesse, les restaurants ou les terrasses de cafés, on se rendait compte tout de suite que c’est un peuple heureux! Et puis c’est vrai, à chaque fois qu’il y avait des classements de PIB, de développement humain, de corruption, de liberté d’expression, les pays scandinaves caracolaient en tête… Mais une question se pose alors. Pourquoi dans d’autres pays, qui disposent des PIB les plus élevés par habitants (Cf Classement), les gens ne sont pas aussi heureux. Ne nous a pas tant vanté les effets de l’augmentation de la richesse par habitant sur le bonheur des peuples? Ou est-ce que l’argent ne fait vraiment pas le bonheur?
Ceux qui prennent le métro parisien chaque jour savent bien à quel point les gens peuvent avoir un bon niveau de vie, satisfaire à tous leurs besoins vitaux, sans pour autant être heureux. On lit rarement autre chose que de la morosité sur le visage d’un parisien dans le métro…
Le roi du Bhoutan, Jigme Singye Wangchuk, a compris cela il y a bien longtemps, et a décidé en 1972 que le bonheur national brut (BNB) sera désormais un concept plus important que le PIB dans les statistiques nationales du Bhoutan. Là aussi une question se pose. Comment calculer le bonheur d’une nation? Quels critères retenir, et comment les pondérer dans l’indice final? Le Bhoutan, qui est, rappelons le, un pays bouddhiste, a choisi quatre indicateurs pondérés équitablement dans l’indice : croissance et développement économique, conservation et promotion de la culture, sauvegarde de l’environnement et utilisation raisonnable des ressources naturelles, et la bonne gouvernance raisonnable. Le BNB est donc pour la monarchie bhoutanaise un moyen d’orienter la politique du pays vers une croissance raisonnable et respectant les ressources naturelles, ainsi que la défense d’une forte identité culturelle.
Au Bhoutan, l’école est de qualité, le système de santé et gratuit et ouvert à tous, et vivre en paix avec la nature fait partie intégrante de la culture locale. Il se trouve que ces 3 composantes sont également la clé de voute du système scandinave. Les habitants ont un niveau très élevé d’éducation, le système de couverture santé est parmi les meilleurs au Monde, et le respect de la nature fait partie intégrante de la vie quotidienne en Scandinavie. Tous les sites naturels sont ouverts à la population au nom du “Droit d’accès à la nature“. Ces 3 composantes sont elles suffisantes à un bonheur national?
Une étude de l’University of South California a démontré qu’une fois qu’un certain niveau de revenu minimum était atteint, il n’y avait plus de progression dans le bonheur. Pour preuve, l’étude mentionne que malgré la progression spectaculaire du PIB par habitant depuis la 2ème guerre mondiale, le niveau de bonheur n’a pas augmenté. En revanche, à l’intérieur d’une même société, les gens les plus riches paraissent les plus heureux. Ces résultats concluent au fait que dans les sociétés qui ont atteint un certain niveau d’éducation et de santé, le bonheur ne dépend donc pas uniquement de la richesse individuelle, mais surtout de la richesse par rapport aux autres membres de la société.
Et c’est justement là où les pays scandinaves excellent. Les écarts entre riches et pauvres sont relativement minimes. Et il est dans la culture locale de ne jamais se montrer hautain ou supérieur aux autres. Il est très mal vu de vanter ou de montrer ses richesses, ou d’en parler. Tout le monde se fond dans la masse. Le matin, pour aller au travail, beaucoup utilisent leurs bicyclettes. Et impossible de distinguer l’ouvrier du ministre (pour ne pas dire du prince). C’est peut-être cela qui fait que le modèle scandinave est unique. Et c’est peut-être aussi pour cela qu’ils sont si heureux. Certains diront même, qu’ils sont tellement heureux, qu’ils s’ennuient à mort. Une vie sans problèmes, ça manque de piment… Et le taux de suicide élevé dans ces pays n’est certainement pas étranger à ce facteur…
Et le Maroc dans tout ça? Nous avons le système éducatif et le système de santé que l’on connait, et le respect de l’environnement commence à peine à entrer dans les moeurs. Les disparités sociales sont flagrantes. Jamais l’écart entre les plus riches et les plus pauvres n’a été aussi élevé. Et pourtant, je n’ai jamais eu le sentiment que le Maroc est un pays où les gens sont malheureux. Pour une raison à mon avis : la religion. Les gens apprennent à être satisfait du peu qu’ils ont, en attendant des jours meilleurs. Mais là, c’est un autre débat…
Bonjour, c’est vrai qu’en lisant l’article on se rend compte qu’il y a même pas lieu de comparaison entre les 2 systèmes … et ça fait vraiment mal au coeur. Sinon je te remercie énormement pour l’article, je ne savais pas que qqc comme le BNB pouvait éxister :).
Il est vrai que la richesse et la pauvreté, tout comme la lumière et l’obscurité, sont relative l’une à l’autre. Une personne n’est riche que par rapport à une autre.
Lorsqu’on rencontre des personnes vivant dans des conditions modestes et baignant dans un bonheur paisible, puis on rencontre des personnes vivant dans un milieu très riche et qui pourtant sombrent dans un malheur misérable, on se rend compte en effet que si l’argent peut donner du plaisir momentané il ne fait pas pour autant le bonheur, il n’y contribue même pas. Tant de personnes qui « réussissent socialement » ont perdu le bonheur dans lequel il vivait lorsqu’ils se sont entourés de futilités superficielles et matérialistes.
Le bonheur légendaire des peuples scandinaves tient probablement à leur style de vie et à l’excellence de leur système social, cela est d’autant plus admirable que beaucoup de gens, dont moi, ne supporterait pas passer la moitié de l’année quasiment sans soleil. Peut être que la blondeur des cheveux compense le rayonnement astral… En été par contre c’est un paradis sur terre, j’y retourne d’ailleurs début du mois prochain.
La religion quant à elle a en effet ce magnifique pouvoir de donner de l’espoir vital à ceux pour qui toutes les portes semblent être fermées. Il faut néanmoins se garder d’adopter des postures, prétendument basées sur la religion, qui consiste à démissionner dans les faits de la vie sociale, à ne pas chercher à améliorer sa condition de vie ou celle de son entourage et à se contenter uniquement de la perspective réjouissante d’une vie au-delà. Mais là aussi, comme tu dis, c’est un autre débat, sujet à interprétations.
@Reda :
Tout à fait d’accord pour l’absence du soleil en hiver. Ca doit être insupportable. Mais l’été, c’est tout simplement magnifique!
Comme je l’ai dit, le débat concernant la religion est très large, et sujet à beaucoup d’interprétations et de controverses..
@amine :
Comme dans beaucoup de domaines, la comparaison n’est pas raison 🙂
J’aime beaucoup la modération du ton de ton post. C’est à travers un débat apaisé que l’on peut effectivement travailler à préparer l’avenir. C’est comme cela que l’on arrivera, à force de volonté, à imprimer un franc sourire au visage de nos enfants. Avec le soleil en plus, il n’en sera certainement que plus éclatant.
@jaouad :
Mes visiteurs sont sympas 🙂
Ca aide à avoir des débats sans prise de tête!
Ca me rappelle une belle citation de Robert Kennedy : “le PIB prend en compte la pollution, la publicité pour les cigarettes, la destruction des séquoias et la perte de merveilles de la nature (…) mais il ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur éducation, de la joie de leurs jeux (…) de la beauté de notre poésie ou de la force de nos mariages. En bref, il mesure tout à l’exception de ce qui fait que la vie mérite d’être vécue”. A MEDITER!
Quand on est heureux, on ne se projette plus dans l’avenir. Seul le présent compte car on aime le savourer pleinement. On ne pense plus aux tristesse du passé. On se sent vraiment vivre. Vivre c’est vivre le présent. Par exemple, quand on est amoureux, on se sent revivre car nos pensées flottent dans un état intemporel. Le temps n’a plus d’importance. L’horizon de la mort est repoussée à l’infini.