Comment l’Iran a reformé sa caisse de compensation

Quand on lit les déclarations des responsables marocains sur la réforme de la Caisse de Compensation, on se demande parfois s’ils ont pris le soin de voir comment d’autres pays ont pu réformer des caisses comparables dans le monde. Les exemples les plus connus restent le Brésil (programme Bolsa Familia [1] [2] [3]), l’Indonésie ou le Mexique (avec le fameux programme “Oportunidades“). Mais il y a un exemple qui a récemment fait parler de lui, et a même reçu les compliments du Fonds Monétaire International. Celui de l’Iran.

Contrairement aux programme brésilien ou mexicain, qui consistent en des transferts ciblés de la subvention à des populations pauvres, contre l’obligation d’alphabétisation et d’accès aux soins, le programme iranien a adopté une approche différente: des transferts directs, mais non ciblés. Tous les iraniens qui le souhaitent, peuvent recevoir une subvention du gouvernement, sans aucune condition de revenus. Chaque membre d’une famille s’est vu occtroyer l’équivalent de 40 dollars américains par mois (plafonnée à 6 membres), sur une simple inscription administrative, et sans aucune condition de revenu maximal. Au total, près de 80% des iraniens se sont inscrits pour recevoir cette aide.

La caisse de compensation iranienne avait atteint la taille phénoménale de 60 à 100 milliards de dollars (soit un ordre de grandeur proche du budget de l’Etat marocain), vu que les iraniens payaient jusqu’au moment de la réforme leur essence à 2 cents américains le litre! Cela engendrait, comme au Maroc d’ailleurs, des comportements économiquement irrationnels. On connait tous l’exemple de ces entreprises ou individus qui utilisent des bonbonnes de gaz (fortement subventionnées) pour des installations industrielles ou les fabricants des boissons gazeuses qui utilisent le sucre subventionné pour leurs produits qui ne devraient pas l’être.

Au lendemain de la réforme iranienne, les prix des matières subventionnées ont bondi pour certains de 400 à 2000%! Mais le choc a été très bien amorti, vu l’intense campagne de communication menée par le gouvernement. Mais bien avant la suppression de la subvention, les iraniens avaient déjà reçu la subvention mensuelle sur leurs comptes bancaires. Et pour faire d’une pierre deux coups, les transferts d’argent ont justement obligé des millions d’iraniens d’ouvrir des comptes bancaires, améliorant très sensiblement le taux de bancarisation dans le pays, et donc les ressources pour le financement de l’économie. Le revers de la médaille? Une inflation qui atteint des sommets : 10% en 2010. Mais difficile de dire si cette inflation ne résulte plutôt pas des sanctions économiques contre l’Iran.

Est-ce qu’une telle mesure pourrait être appliquée au Maroc? Faisons un calcul simple : si l’Etat venait à distribuer 400 DH par mois par personne, et en supposant que 80% des marocains s’inscriraient volontairement au programme, on arriverait à un montant de 115 milliards de DH, soit plus que le double de ce qu’a consommé la caisse de compensation au Maroc. Une subvention de 100 DH par personne ferait passer ce montant à 29 milliards de DH, ce qui est déjà sensiblement inférieur aux 52 milliards enregistrés en 2011. La mise en place des mécanismes d’aide conditionnée au Maroc pourraient se relever beaucoup plus difficiles que prévues. Les problèmes de corruption et de détournement des subventions ne tarderaient pas à survenir si un tel programme avait à être mis en place. De plus, l’argent bénéficierait directement aux familles, et rationaliserait l’usage des denrées subventionnées.

La réforme radicale de ce gouffre financier devient plus urgente que jamais. La taille de la caisse n’a jamais été aussi importante, et pourrait bien exploser cette année, si jamais ces mêmes iraniens venaient à être bombardés par Israël…

 

Quelques liens :

 

10 thoughts to “Comment l’Iran a reformé sa caisse de compensation”

  1. A mon sens, c’est plutot dans le systéme de gestion de la caisse qui est à revoir. Dejà qu’ils sont sous le joug des avides lobbys industrielles (ex : Producteur de boissons gazeuses), il est aussi vrai que le systéme de gestion de cette manne financiére est oppaque et sous un controle laxiste. Même si la cour des comptes à pour mission de controller cette institution, il serait aussi utile d’inclure le parlement et des commissions civiles qui permettent de rendre plus transparent les flux d’argents. De plus, il est aussi possible d’en faire “un fond souverain” soit un equivalent de la CDG, capable de faire fructifier l’argent qu’il recoit et de le redistribuer au peuple sous la forme de compensations. Il nous faut pas aussi oublié que la survie du fond n’est assuré que par les lignes de credit moyen orientaux. Le Maroc maintient au possible des relations stables avec les pays du Golf (notamment en coupant les liens avec l’Iran), pour que ces derniers n’hésite pas à jouer au pompier et effacer les ardoises de carburants. De plus, les relations avec l’Algérie doit etre mis en priorité, puisque une grande partie des dépenses sont investie dans le couteux conflit sahariens et en particulier, le systéme de subvention mit en place sur cette partie du térritoire. En réalité, c’est tout le malheur du Maghreb qui se révele dans cette caisse. Le Maroc font face à une situation influensioniste commune avec l’Algérie, et nos ressources sont complémentaire. Dans le cadre d’une relation bilatérale basé sur l’echange économique, le Maroc pourrait devenir le grenier du Maghreb, pendant que l’Algérie assure les besoins énergétiques de la région.

  2. Comme l’a très bien signalé @Hamza Badih , je crois que les lobbys industriels sont le principal frein pour une réforme de la Caisse de Compensation.
    Les marocains ne peuvent plus se mentir, on doit voir la vérité en face : on n’a pas à subventionner des produits pareils pour les rendre soi-disant accessibles (alors que ceux qui tirent les bénéfices sont les industriels). Il faut faire en sorte que les gens travaillent, gagnent des salaires décents, et que le mode de fonctionnement des marchés soit plus transparent, cohérent et respectueux du consommateur :
    L’éducation, l’augmentation du taux d’emploi, la mise en place d’un SMIC plus élevé, la lutte contre l’informel et la corruption sur le marché du travail, la sanction des circuits longs (grossiste qui vend à grossisste qui vend à grossisste…+oo )… sont autant de mesures qui doivent être menées parallèllement à la réforme de la caisse de compensation.

    A mes yeux, tout ces éléments sont interdépendants.

  3. je ne suis pas sur que la comparaison entre les modeles de subvention iranien et marocain soit pertinente:
    1) La reforme iranienne me parait plutot orientee vers la reduction de la consommation nationale des produits subventionnes: quand on achete l’essence a 2c/l, ben on en consomme sans retenue, qu’on soit riche ou pauvre. Ceci est encore plus vrai du fait que le niveau de vie moyen des iraniens est superieur a celui des marocains
    2) Le probleme de la caisse de compensation au Maroc ne me parait pas un probleme de sur-consommation (en tout cas pas en premier lieu – les gens n’achetent pas deux bouteilles de gaz parce que c’est subventionne, et la majorite des gens font attention a la consommation de diesel et d’essence dans leurs voitures), mais plutot l’efficacite des subventions a ameliorer le niveau de welfare global, qui passe par definitition par orienter les subventions vers les classes les plus pauvres. Les modeles bresiliens et mexicains me paraissent plus appropries.

    Peace.

  4. 100 DH … c’est très peu ! ce n’est que (je crois) l’quivalent de la subvention de deux bouteille de gaz.

  5. Je pense que suivre l’exemple iranien serait une déviation totale de l’objet même de cette caisse de compensation. Je ne vois pas du tout comment on va aider les pauvres avec les 100 dhs (si on est d’avis d’aider les pauvres). Encore moins la raison de gaspiller des 100 dhs pour des riches. Et si du coup ce serait juste pr faire taire les gens qu on supprimera la caisse… et ben ca fait chère la pommade ! Le ciblage reste la bonne solution, même si elle est compliquée

  6. Au Maroc, c’est vrai c’est un problème de lobbys voir de mafia. Sinon, on peut déjà commencer par libérer le sucre (comme ce qu’on a fait avec le thé depuis les années 1980) c’est-à-dire laisser d’autres opérateurs produire du sucre non subventionné et on va voir si Cosumar (filiale de l’ONA-SNI) restera dans la course. Comment un pays se dit libéral alors qu’il maintient plusieurs monopoles privés injustifiés!!!
    Aujourd’hui, non seulement le thé n’est pas subventionné mais rapporte aux caisses de l’Etat: 14% de TVA!!!
    A méditer

  7. je me demande si cette expérience sera transposés au Maroc ?? En plus la république Islamique jouit de revenus colossaux via la vente du pétrole même si les Américains ont imposé leur embargo.

  8. bonjour ou bonsoir selon le temps où vous me lisez, est ce que je pourrait avoir la documentation et comment l’obtenir sur la caisse de compensation du brésil et d’Iran pour les comparer avec celle du Maroc.Parce que c’est le thème de mon PFE. j’attend vos réponses et merci d’avance.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *