Rebbah, Boulif, Khlie : dégagez!

Déraillement train Khouribga
Déraillement d’un train phosphatier à Khouribga (Source)

Depuis quelques semaines, l’ONCF part en vrille. Encore plus qu’avant. Les incidents se comptent par dizaines chaque semaine. Les usagers les subissent de plein fouet. Tant pis s’ils ratent des avions, des RDV importants, arrivent en retard à leur travail chaque jour ou voyagent dans des conditions indignes, même pour du bétail. Et la direction de l’ONCF ne semble guère s’en soucier. On ne compte plus les sit-in, les réclamations par centaines (auxquelles ils ne répondent jamais), et les articles de presse. Les dirigeants de l’ONCF restent enfermés dans leur tours d’ivoire, laissant leurs employés sur le terrain (dans les gares et trains) subir de plein fouet les foudres des usagers.

Tout au long des derniers mois, l’ONCF a connu des incidents ou accidents, les uns plus graves que les autres, entrainant des perturbations et des dysfonctionnements majeurs :

  • 25 mai 2014 : Un incendie se déclare dans un wagon pas loin de la gare de Rabat Agdal. Probablement dû à un court circuit. Pas de victimes heureusement.
  • 20 aout 2014 : Déraillement d’un train entre Mohammedia et Casablanca, ayant causé la mort d’un cheminot, et plusieurs blessés parmi les passagers
  • 9 avril 2015 : Un incendie se déclare dans un train près de Meknès, entrainant l’intervention des pompiers, et l’arrêt de la circulation des trains sur ce trançon
  • 20 avril 2015: Un train a roulé sans chauffeur, sur une distance de 1,5 Km, alors qu’il transportait des passagers à partir de la gare de Kenitra
  • 30 avril 2015 : Un train est tombé en panne vers Kenitra. De la fumée s’est dégagée de la locomotive, entrainant l’enfumage des passagers, et le blocage total de la circulation des trains navette pendant de longues heures. Des passagers excédés occupent alors la voie à la gare de Temara, pour protester contre les retards interminables. Résultat, le train devant quitter Rabat à 7h30 arrive à Casa Port aux environs de 11h.
  • 12 mai 2015 : La rupture de l’alimentation électrique aux environs de Mohammedia bloque le trafic pendant 3h. Les passagers vivent l’enfer au bord des trains. Sans parler des passagers bloqués dans les gares, et qui ont dû attendre des heures avant l’arrivée de leurs trains.
  • 12 mai 2015 : Un train phosphatier déraille aux environs de Khouribga ne causant aucun dégât humain, mais entrainant des dégâts matériels visiblement importants

Cette liste est, bien entendu, non exhaustive, et a pour seul intérêt de démontrer que le laisser-aller des responsables et employés de l’ONCF a atteint des niveaux sans précédents. Et on ne parlera pas des trains constamment en retard, des climatisations en panne en plein été (et sans possibilité d’ouvrir les fenêtres), des trains surencombrés et insuffisants en heure de pointe… Même les ministres de tutelle, MM. Rebbah et Boulif confirment la dégradation des services de l’Office, mais ne semblent pas s’en soucier plus que cela.

Et puis, parlons des difficultés financières de l’Office. L’ONCF affiche un résultat net négatif de 220 millions de DH au titre de l’année 2014. Cette descente aux enfers ne fait que commencer, en raison de l’arrêt progressif du transport des phosphates de Khouribga à Casa et Jorf Lasfar (avec l’entrée en marche du pipeline OCP) et dont les revenus représentaient ~40% du chiffre d’affaires total de l’Office, de l’endettement massif dû au projet TGV, et avec la subvention à venir des billets TGV qui ne devraient pas dépasser 200 à 300 DH entre Rabat et Tanger (contre un coût réel estimé entre 700 et 1000 DH). Avec tout cela, l’ONCF ne pourra pas échapper à l’avenir à une situation similaire à celle de l’ONEE aujourd’hui : un office avec des déficit abyssaux, et un endettement colossal, incapable de s’en sortir sans plan d’aide publique massif. Plusieurs acteurs avaient pourtant levé l’alerte sur ce projet inutile, inefficient et surtout, très défavorable financièrement à l’Office.

Pour toutes ces raisons, et par respect aux usagers des trains et aux citoyens marocains, il devient nécessaire que les premiers responsables de cette situation, à savoir M. Rebbah (Président du conseil d’administration de l’ONCF et ministre de tutelle), M. Boulif (co-ministre de tutelle) et M. Khlie (DG de l’ONCF), prennent leur responsabilité, et démissionnent de leur postes respectifs. On trouvera bien plus compétents qu’eux.

ONCF : la mauvaise gestion en chiffres

ONCF - Casa Port
ONCF – Casa Port

C’est un fait : le service public assuré par l’ONCF est plus que déplorable. Retards, encombrement, problèmes d’aération et de climatisation, propreté… On ne compte plus les désagréments que fait subir l’ONCF à ses clients. Mais jusqu’à quel point ce service est-il dégradé?

Pour y répondre, un petit groupe de 3 personnes, usagers réguliers de la ligne Rabat – Casablanca, ont noté tous leurs trajets (un total de 100) sur une durée de 45 jours (entre le 15 septembre et le 30 octobre 2014).
Le constat est édifiant.

42% de trains en retard

Quand peut-on considérer qu’un train est en retard? Pour un trajet d’une heure, comme celui de Rabat – Casablanca, une arrivée après 5 min de l’heure prévue, est considérée comme un retard. Il s’ agit de la définition adoptée par la SNCF française, et par l’ONCF en interne. La mesure de cet indicateur sur les 100 trains fait ressortir un taux de retard très élevé de 42% (et 17% de retards de plus de 15 min, sur un trajet d’une heure).
A quoi sont dus ces retards? L’ONCF ne vous le dira pas. Mais d’après les observations, ils dont souvent dus à une mauvaise organisation, à des problèmes de coordination et de communication, et à des défaillances du matériel. Très peu sont dus à des accidents sur la voie. Pire, l’ONCF n’avertit que très rarement ses passagers sur ces retards. Plusieurs agents peuvent se trouver sur un quai de la gare, mais sont incapables de vous dire quand arrivera ou démarrera un train, ou même quelques fois, lequel démarrera parmi ceux qui sont stationnés dans la gare.

A signaler qu’un des trains de l’échantillon a effectué le trajet Casablanca – Rabat en 2h20, après une panne matérielle au milieu de nul part. Le conducteur n’a même pas trouvé utile d’en informer les passagers après 30 minutes à l’arrêt. La réaction naturelle des passagers a été d’occuper la voie ferrée et de bloquer le trafic en attendant l’arrivée de responsables de l’ONCF et d’un train les ramenant chez eux.  

 

32% de trains non climatisés

Plutôt de parler de climatisation sur les trains ONCF, on devrait plutôt parler d’aération. Le génie qui a commandé les trains italiens a peut être oublié que le Maroc était un pays relativement chaud et qu’il serait utile d’avoir des fenêtres dans les rames. Que nenni! Si la clim ne fonctionne pas, sans oxygène tu crèveras! En plus d’avoir des fenêtres minuscules, celle-ci sont souvent condamnées et donc impossible à ouvrir. Et quand la climatisation ne marche pas, ou que le contrôleur oublie de l’allumer (ce qui arrive souvent), le train se transforme en une véritable fournaise. Et tant pis pour vous si vous n’avez pas ramené votre kit de gommage.

Plein tarif tu paieras, debout tu resteras

Sur la ligne la plus fréquentée au Maroc, vous ne trouverez pas de place assise dans 15% des cas. L’ONCF ne juge pas utile de renforcer son trafic aux heures de grande affluence : entre 7h et 10h, et entre 17h et 19h. Et les trains sont absolument à éviter les lundi matin et les vendredi soir.

En cas de souci, le contrôleur disparaitra

Dans 31% des cas, aucun passage de contrôleurs n’a été signalé. Quand il s’agit d’un train-bétaillère (définition plus bas), les contrôleurs ONCF ne sont pas passés dans 100% des cas. Ils évitent systématiquement de passer, de peur de subir les foudres des passagers.    

5% des trains en mode bétaillère

Qu’est qu’un train-bétaillère? C’est la définition donnée par les usagers fréquents aux trains à la fois en retard, très encombrés, et sans climatisation. Et cela arrive dans 5% des cas. Priez de toutes votre énergie pour ne pas avoir à vivre cette expérience, elle est éprouvante.

Plainte tu déposeras, dans la poubelle elle finira

Énormément d’usagers de l’ONCF ne semblent pas être au courant qu’il existe des registres de réclamation dans toutes les gares. Mais problème: l’ONCF semble plutôt les utiliser comme défouloir pour les passagers mécontents, puisque ces réclamations ne sont tout simplement pas traitées. Sur 7 réclamations déposées en un an, aucune réponse n’a été reçue de la part de l’ONCF. Sont-ils au moins au courant que la négligence dans le traitement des plaintes des clients peut devenir un motif de poursuite judiciaire au Maroc?

 

Ceci est un aperçu de la qualité de service médiocre qu’offre l’ONCF à ses usagers sur l’axe Casa-Rabat. Et il est de notoriété publique que cet axe reste le mieux servi par l’ONCF. Les lignes vers Marrakech, Oujda et Tanger sont de loin plus négligées, et les voyages se passent dans des conditions plus que déplorables : retards, encombrements extrêmes, climatisation constamment en panne (même en 1ère classe), vandalismes, problèmes de sécurité à l’intérieur des trains…

Au vu des importantes sommes engagées, l’ONCF semble aujourd’hui se soucier plus de son business immobilier (très rentable) que du développement des infrastructures et du renforcement de ses dessertes, alors que c’est sa vocation première, sa mission de service public. En face des importants investissements dans le renouvellement des gares, pour les transformer en centres commerciaux, on retrouve des rames vétustes (que l’on remplace par de vieux Corail français récupérés chez la SNCF), un réseau mal entretenu à certains points, et peut s’avérer dangereux pour les usagers. Et on ne parle même pas des petites gares de Temara, Skhirat et Bouznika laissées en l’état depuis le départ des colons français, malgré la forte affluence qu’elles connaissent.

L’ONCF semble aujourd’hui orienter toutes ses ressources financières disponibles au projet du TGV (qui connaît, comme prévu, des retards importants), au détriment de l’entretien, et de l’amélioration de son réseau classique, qui couvre le reste du Maroc, et au détriment de ses passagers, dont personne ne semble se soucier.

 Les données brutes recueillies sur les 100 trajets ayant servi à construire les statistiques de cet article sont disponibles à la demande.