Quel bilan pour le gouvernement Benkirane I?

Benkirane

Les dés semblent désormais jetés : le gouvernement Benkirane sous sa forme actuelle n’a plus que quelques semaines ou mois à vivre. Le stratagème du pion Chabat et de ceux qui le téléguident a toutes les chances de réussir. On se dirigera donc probablement vers une nouvelle coalition (mais laquelle?), ou vers des élections anticipées. La 2ème option semble avoir les faveurs de certains caciques du PJD, car l’issue ne fait aucun doute : le PJD les gagnera encore une fois haut la main. Mais ils semblent toutefois oublier, qu’au vu du système électoral actuel, le PJD n’a absolument aucune chance de remporter la majorité absolue au parlement, et sera donc obligé de se trouver de nouveaux alliés. Au risque de retomber dans la même situation dans quelques mois et de n’avoir que 2 choix : se soumettre au Makhzen, ou avoir suffisamment de courage pour claquer la porte, et mettre le système devant ses responsabilités.

Un an et demi donc après la formation du gouvernement Benkirane I, il est tout à fait légitime de dresser un premier bilan de ses actions dans différents domaines, surtout celles qui ont marqué (ou pas), la vie des marocains.

L’impression générale que laissent ces 18 mois du PJD au “pouvoir” (qui est bien entendu ailleurs), est cette “USFPisation” beaucoup plus rapide que prévu. Le chef de gouvernement n’a pas cherché la confrontation avec le Makhzen (tout comme l’USFP du gouvernement d’alternance de 1998), et s’est tout de suite montré très docile vis-à-vis des véritables détenteurs du pouvoir au Maroc. Preuve s’il en faut, le fameux communiqué du Chef de Gouvernement qui s’excuse platement auprès des conseillers royaux à la suite d’un article de journal qui cite Benkirane : « il n’y a aucun contact entre moi et les conseillers du roi ».

Mais est-il utile de rappeler que le gouvernement Benkirane s’était engagé sur des promesses et des réformes nécessaires pour redresser le pays : croissance économique, lutte contre la corruption, réformes de la caisse de compensation et des régimes de retraites… Qu’en est-il dans les faits?


“Le gouvernement Schindler”

A force de publier des listes, on n’en voit plus l’utilité. S’étant engagé sur beaucoup plus de transparence, le gouvernement Benkirane a excellé dans la publication de listes à n’en plus en finir. Ca aurait été utile si des réformes étaient engagées, sauf qu’il n’en a rien été. Des coups de com, rien de plus. En 18 mois, le gouvernement Benkirane a donc publié les listes de :

  • Détenteurs des agréments de transport en autocar. Aucune réforme de cette activité symbolisant par excellence l’économie de rente n’a été faite.
  • Détenteurs des agréments de carrières. Dont la plupart sont cachés derrière des sociétés. Là aussi, aucune réforme n’a été faite de cette activité rentière.
  • Associations bénéficiant d’aides provenant de l’étranger
  • Personnes occupant illégalement des logements du ministère de l’éducation nationale
  • Étudiants pensionnaires des cités universitaires
  • Fonctionnaires détachés auprès des syndicaux

Des listes à ne plus en finir. Une sorte de concurrence entre ministres démontrant leur volonté de transparence sans que cela ne se traduise pour guérir les maux structurels du pays. Des listes inutiles.


L’indomptable audiovisuel

Les joutes avec les dirigeants des chaines de télévision publiques (puisqu’il n’y a aucune TV privée au plus beau pays du monde) n’en finissent plus. La mémorable bataille pour l’application des cahiers de charge du ministre Khalfi, s’est soldée par une ridiculisation du gouvernement, incapable d’appliquer sa politique à un service public. Benkirane a de plus été incapable de changer une simple directrice dans une chaine nationale. Autant dire que la TV est, et restera une chasse gardée du Makhzen. Victoire majeure cependant de Khalfi : il a réussi à imposer l’adhan sur 2M. Ouf, l’honneur est sauf.


Libertés politiques et lutte contre la corruption

Le bilan est particulièrement catastrophique. L’espoir qu’a suscité le gouvernement Benkirane s’est vite estompé, surtout que le ministre de la justice et des libertés, était connu pour être un militant farouche pour la défense des droits de l’Homme. Il n’en a rien été. Des dizaines de militants du mouvement du 20 février ont subi la vengeance du Makhzen, et ont été condamnés pour la plupart à des délits de droit commun. La réaction du gouvernement? M. Benkirane a affirmé en direct sur TV5, qu’il n’existait aucun prisonnier politique au Maroc. Un magnifique doigt d’honneur à tous ceux qui ont cru que le PJD pouvait défendre les libertés politiques au Maroc. Quand on ne s’appelle pas Jamaa Mouatassim du PJD (libéré 2 jours après la première marche du 20 février 2011), on n’a pas le droit d’être défendu par ce parti, ni d’être traité comme prisonnier politique.

Autre point : la lutte contre la corruption. Slogan majeur de la campagne électorale du PJD, n’a pas fait long feu. Symbole de cette promesse non tenue, la poursuite en justice des braves fonctionnaires qui ont “fuité” les documents prouvant l’échange de primes entre l’ex-Ministre des Finances et le Trésorier Général du Royaume. Ils ont tous les deux été poursuivis pour divulgation de secret professionnel. Une manière de dire à tous les témoins de malversations de leurs administrations qu’ils risquent de subir le même sort devant la justice. Et qu’en est-il de Bensouda et Mezouar? Le procureur général de la Cour d’Appel à Rabat (dont le chef direct est Ramid, le ministre de la Justice) a classé sans suite l’affaire en prétextant un arrêt datant du protectorat… La lutte contre la corruption, ce n’est pas pour tout de suite.


Situation économique au bord du gouffre

20 ans après la sortie de la tutelle du FMI, le Maroc a redemandé l’aide de l’institution monétaire internationale en souscrivant à une ligne préventive de liquidité. Le FMI a désormais un droit de regard sur les finances publiques, et dicte les réformes au gouvernement. Une situation, pas loin de celle du “Plan d’Ajustement Structurel” qui a commencé en 1983 et duré une douzaine d’années. Et on y risque d’y revenir très prochainement si la réforme de la caisse de compensation et celle des retraites, ne sont pas réalisées à temps. Certes, le gouvernement précédent a laissé un lourd passif, en dégradant sensiblement les finances publiques pendant les quelques mois précédent son départ, mais celui de Benkirane a manqué terriblement de courage en retardant les réformes de compensation et de retraites.


Des points positifs?

Tout n’est pas noir : Benkirane a été ferme sur la généralisation des concours pour accéder à la fonction publique, et n’a pas (encore?) cédé aux diplomés chomeurs qui réclament d’être intégrés directement dans la fonction publique. Autre point pratique : on connaît désormais à l’avance les dates de passage à l’heure d’été et d’hiver chaque années. Le gouvernement de Abbas El Fassi nous l’annonçait souvent la veille. On ne remerciera jamais assez Benkirane pour ça…


Des alternatives?

L’échec cuisant du gouvernement de Benkirane sur ces 18 mois, démontre une chose : l’histoire est un éternel recommencement. Benkirane subit aujourd’hui ce qu’a subi El Youssoufi il y a 15 ans. Il a voulu pactiser avec le Makhzen, sans avoir de véritable pouvoir. Le leurre de la constitution de 2011 a marché. Il se contente aujourd’hui d’un gouvernement de gestion des affaires courantes, sans véritable pouvoir, et incapable de mener la moindre réforme structurante. Et il semble s’en contenter.

Quelle alternative? Chasser le gouvernement Benkirane et en ramener un autre PI, USFP, MP, ou même technocrate, ne résoudrait rien. Ca nous ferait perdre encore 10, 20 ou 50 ans de développement. La seule réforme pouvant sortir le Maroc de son marasme et de le ramener sur la voie de la démocratie : instaurer une monarchie parlementaire. Une vraie.

Gouvernement Benkirane : le pouvoir est ailleurs

Quiconque aura suivi les premiers pas de Benkirane à la tête du gouvernement marocain, ne manquera pas de se rendre compte que le monsieur ne manque pas de remarquer sa bonne volonté de réformer ce qu’il y a à réformer. Sa décision la plus courageuse pour le moment, à mon avis, aura été d’annuler un PV autorisant 4000 diplomés chomeurs à intégrer la fonction publique sans concours. Son prédécesseur, soucieux d’éviter “صداع الراس “, s’était empressé de signer cette promesse, contre toutes les lois régissant la fonction publique… Mais aura-t-il les mains libres pour secouer le cocotier, et mener à bien les réformes qu’il a promis aux marocains?

Un des premiers leviers pour réussir des réformes est d’avoir la main sur ces dizaines d’entreprises publiques qui disposent de moyens financiers colossaux, et de matière grise généralement bien formée. Le projet de loi régissant les nominations à la tête des établissements publics, actuellement en examen au parlement, mérite que l’on s’y attarde. Conformément à l’article 92 de la Constitution (dont je parlais ici il y a un an), le conseil des ministres (présidé par le roi) et le conseil du gouvernement (présidé par le chef du gouvernement), ont chacun une liste de responsables à nommer. La liste contenue dans le projet de loi est très révélatrice sur l’Etat d’esprit du Makhzen : vider l’action gouvernementale de sa substance en faisant porter la responsabilité de plusieurs secteurs à des hauts fonctionnaires nommés par le palais. Comment le chef de gouvernement ou un de ses ministres peut-il sanctionner ou superviser un fonctionnaire qu’il n’a pas nommé?

Prenons l’exemple du ministère de l’énergie et des mines. Parmi les entreprises publiques mises sous la tutelle de ce ministère, on retrouve : l’OCP, l’Office National des Hydocarbures et des Mines (ONHYM), l’Office National d’Electricité (ONE) et la Société d’Investissements Energétiques (SIE). Or, la nomination des dirigeants de ces entreprises, se fait, d’après le projet de loi actuellement au parlement, par le roi. Problème : le ministère de l’énergie et des mines est complètement vidé de sa substance sans ces entreprises. Il aura beau dessiner les stratégies qu’il voudra, réclamer les budgets dont il a besoin, il n’a aucun pouvoir sur ces entreprises publiques, puisqu’il n’a nommé aucun de ces dirigeants et ne dispose d’aucun pouvoir de sanction à leur égard. Le même raisonnement s’applique, par exemple, au ministère de l’habitat qui n’a pas de pouvoir sur le dirigeant d’Al Omrane…

Un cas pratique de cette incapacité d’un ministre à mettre au pas une entreprise publique, s’est présenté lors de l’épisode des cahiers de charge des chaines de télévision publique. Nous voici devant le cas d’un ministre, issu d’un parti ayant remporté des élections, proposant de changer les cahiers de charges régissant deux groupes de télévisions publiques : la SNRT et 2M. Mais fait imprévu, les deux directeur généraux de ces chaines, fonctionnaires de l’Etat, sous la tutelle de ce même ministre, s’insurgent contre ces cahiers de charges, les qualifiant de tous les noms, tout en dénonçant le projet rétrograde du PJD sur le champ audiovisuel. Tout cela parce que M. El Khalfi a demandé aux chaines publiques de diffuser les appels à la prière et la prière du vendredi ?

Dans toute démocratie qui se respecte, cet épisode aurait donné lui au limogeage immédiat des deux directeurs généraux. S’insurger contre ces cahiers de charge, alors qu’ils ne représentent nullement le pouvoir politique élu est inadmissible. Ce ne sont que de simples fonctionnaires chargés d’exécuter la volonté démocratique d’un parti (ou coalition) au pouvoir. Mais voilà le roi qui intervient et demande le réexamen de ces cahiers de charge. Quelques jours après, une commission interministérielle est chargée de les réexaminer. Son président? Le ministre de l’habitat…

Mais revenons encore une fois à cette fameuse liste d’établissements publics. Comment explique-t-on que la Constitution parle d’entreprises stratégiques, alors qu’on retrouve dans cette liste des établissements comme la MAP, l’Agence d’Aménagement du Bouregreg, l’Agence d’Aménagement de Mar Chica, la Fondation Marocaine des Musées et même la Société Marocaine d’Encouragement du Cheval (chargée de tout ce qui est courses de chevaux, tiercé, quarté & co)! En quoi ces entreprises sont stratégiques pour le Maroc?!!

Ce ne sont que des exemples, pour ceux qui en avaient encore besoin, que le pouvoir (le vrai…) dans ce pays n’est pas entre les mains d’institutions élues, mais reste concentré aux mains du Makhzen, jusqu’à nouvel ordre. Si, comme le stipule le projet de loi sur les nominations, le roi a les pouvoirs de nommer les directeurs des chaines publiques, le chef de gouvernement devra se contenter du Centre Cinématographique Marocain et du Théatre National Mohammed V. On n’est pas sortis de l’auberge…

Et si vous avez besoin d’images à mettre sur le fait que les ministres, issus des urnes, passent toujours après le Makhzen, rappelez vous de la cérémonie d’accueil du président tunisien Moncef Marzouki à l’aéroport de Rabat. Ceux qui détiennent le pouvoir (certains ont même perdu les dernières élections), sont au cabinet royal, et saluent le président tunisien en premier (Entre 1:25 et 1:47). Les autres? Ils ne viennent qu’en second lieu 🙂

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Politique fiction : Ces années Benkirane…

Tout le monde l’attendait. Le gouvernement Benkirane a fini par voir le jour, après de longues tractations avec les partis et le  palais. Ce dernier refusait de voir certaines personnes aux commandes des ministères les plus sensibles, et a apporté son lot de retouches avant la validation finale de l’équipe Benkirane. Le vote de confiance se passe sans encombres au Parlement. Le chef de gouvernement, qui sait que les attentes des marocains vis-à-vis de son gouvernement sont immenses, annonce une cinquantaine de mesures urgentes à concrétiser durant les 100 premiers jours de son mandat. Ils incluent, entre autres, l’annulation des agréments (transport, carrières, pêche…), l’ouverture d’enquêtes judiciaires dans tous les dossiers soulevés dans les derniers rapports de la Cour des Comptes, la création d’un fonds de solidarité alimenté par de nouvelles taxes sur les banques, assurances et opérateurs de télécommunications, le lancement de la réforme de la caisse de compensation…

La réponse ne tarde pas à arriver. Une grève générale des transports paralyse le pays, et les détenteurs d’agréments réclament le retrait immédiat des réformes. 100 jours après, le bilan est très mitigé. Benkirane demande un peu d’indulgence, vu que la grande majorité des ministres sont des novices et que l’administration marocaine est très lente dans le traitement de ces dossiers. D’autant plus qu’une bonne partie des lois requises pour ces actions, est bloquée au Secrétariat Général du Gouvernement, tenu, rappelons le, par un ministre nommé par le palais…

La conjoncture internationale n’est pas non plus en faveur du gouvernement. La crise économique européenne est à son apogée. Les exportations marocaines sont au plus bas, le déficit de la balance commerciale explose, les transferts des MRE se tassent. Les touristes, européens pour la plupart, visitent de moins en moins le Maroc, préférant épargner pour les temps difficiles à venir en Europe. Face à ces indicateurs au rouge, Benkirane se retrouve avec une marge de manœuvre de plus en plus réduite dans la réalisation des réformes économiques qu’il avait promises. Au bout d’un an au pouvoir, les langues de certains ministres se délient, et dénoncent les instructions incessantes qu’ils reçoivent du cabinet royal. Dans l’impossibilité de refuser quoi que ce soit, ils se contentent d’exécuter des actions tout à fait contraires au programme gouvernemental.

La terrible sécheresse de l’année 2013 n’arrange pas les choses. Un niveau de pluviométrie excessivement bas entraîne un très faible volume de récoltes. Le désespoir est grand dans les campagnes. Des milliers de villageois s’installent dans les périphéries urbaines, espérant trouver du travail dans les villes. Sur les marchés internationaux, les prix des matières premières explosent. Les importations de pétrole sont à leur plus haut niveau historique, et le Maroc est obligé d’importer la quasi-totalité de ses besoins en céréales. La Caisse de compensation, qui n’a été que partiellement réformée, ne peut plus supporter tout le fardeau de la variation des prix. Le gouvernement décide de répercuter une bonne partie de la variation sur les marocains. La réponse ne tarde pas. Des quartiers entiers de Casablanca, ainsi que des habitants de Benguerir et de Sidi Ifni sortent dans des manifestations massives contre la vie chère. Des bâtiments administratifs sont brûlés, et les forces de l’ordre sont débordées, et utilisent les gaz lacrymogènes à profusion. A Benguerir, on compte 5 morts asphyxiés par ces gaz. La situation est explosive. Des émeutes se répandent à d’autres villes. Comprenant que l’heure est grave, Benkirane intervient à la télévision, et annonce l’annulation des augmentations sur les produits de base. Mais il est également obligé d’annoncer un programme de rigueur sans précédent, et l’arrêt de certains grands chantiers. Celui du TGV, lancé 2 ans auparavant s’arrête au stade du remblayage. Benkirane opère également un changement à son équipe. De nouvelles têtes rejoignent le gouvernement, en espérant lui donner un nouveau souffle. Les manifestations s’arrêtent. La gestion de la rigueur peut commencer.

Entre temps, des dossiers de corruption de hauts fonctionnaires éclatent dans la presse. Benkirane ordonne un rapide examen des dossiers, mais la lenteur de la machine judiciaire ne l’aide pas… Une autre affaire ne passe pas inaperçue. Addoha et la SNI se seraient vu céder des terrains du domaine de l’Etat en plein centre ville de Casablanca à des prix dérisoires. L’affaire ne passe pas, et le doyen des parlementaires marocains, Abdelouahed (Mac Leod) Radi interpelle violemment le chef du gouvernement. L’affaire fait grand bruit, mais Benkirane ne cède pas, et affirme que la transaction s’est passée dans le plus strict respect des règles de cession des terrains publics. En réalité, tout le monde sait qu’il n’y peut pas grand chose, vu que la transaction a été “commandée” au plus haut niveau de l’Etat. Les marocains prennent soudain conscience que les espoirs suscités par Benkirane étaient exagérés, que la marge de manœuvre accordée par la Constitution de 2011 et par le makhzen au chef de gouvernement est réduite. Le vrai pouvoir se trouve ailleurs.

A l’occasion du 3ème anniversaire du mouvement du 20 février, des manifestations géantes, jamais vues depuis l’indépendance du Maroc, arpentent les villes marocaines. 1 million de manifestants selon la police, 2 millions selon les organisateurs. Le succès est franc. Les manifestants réclament une assemblée constituante, une transparence complète sur les affaires qui ont éclaboussé le mandat de Benkirane et la chute du Makhzen. Le chef de gouvernement se réfugie dans le mutisme. Contrairement aux manifestations de 2011, les manifestants du mouvement du 20 février s’installent dans les plus grandes places des villes marocaines. Place des Nations Unies à Casablanca, Place Bab El Had à Rabat, Bab Doukkala à Marrakech… Des comités locaux dans toutes les villes marocaines  relaient le mouvement. La vague s’annonce nettement plus imposante et mieux organisée que 2011. Le mouvement semble avoir appris de ses erreurs.

Sur ordre du Haut Conseil de Sécurité, organe créé par la Constitution de 2011, et dont le contrôle échappe complètement au Chef de Gouvernement, les sit-in de protestations sont violemment dispersés. Les tirs à balles réelles fusent. Bilan : 78 morts. Les condamnations internationales se succèdent, et tout le pays s’embrase.  Jamais depuis le début des années 90, le pouvoir n’avait osé tirer à balles réelles sur des marocains. Le choc est profond. Des manifestations reprennent de plus belles, et des morts continuent de tomber. On entend désormais, ici et là, des slogans qui réclament la chute du régime, et non plus de simples réformes constitutionnelles.

Benkirane présente sa démission avec fracas. Il a compris, tardivement, que sa marge de manœuvre était extrêmement réduite. Après les années du PJD au pouvoir, le Makhzen ne trouve plus de fusibles aptes à jouer de la figuration pendant quelques années de plus. Aucune autre alternative ne devient crédible aux yeux des marocains…

Le pays sombre dans le chaos…

Volontairement alarmiste et pessimiste pour l’avenir du Maroc, ce petit exercice n’a pour but que d’exprimer mes craintes, partagées par beaucoup, sur l’évolution des choses au Maroc. Les “réformes” entreprises jusque là ne semblent avoir qu’un seul but : s’acheter du temps, et s’épargner encore quelques mois de calme et de prospérité. Si de véritables réformes, dont certaines bien douloureuses, ne sont pas entreprises, le pays risque malheureusement le pire pour les années à venir.