Le gouvernement ne doit plus organiser les élections

Elections Maroc

Les élections au Maroc ont, depuis l’indépendance, constitué une occasion tant attendue par le Makhzen pour instaurer son image de système démocratique, où les choix du citoyens semblent être respectés avec un processus électoral bien huilé, et aboutissant à des institutions démocratiquement élues.

Si les méthodes de bourrage d’urnes semblent être dépassées pour “orienter” le résultat des élections, d’autres méthodes plus subtiles et plus complexes sont venues prendre le relais pour renforcer l’hégémonie du Makhzen sur le système électoral. Toutes ces méthodes peuvent être réunies dans ce qu’on peut appeler “l’ingénierie électorale”. Elle se manifeste dans le choix du mode de scrutin (uninominal/liste, 1 tour/2 tours…), dans le découpage électoral, dans l’élaboration des listes électorales, dans le déroulement matériel du scrutin…

Mis à part le choix du mode de scrutin qui passe par la voie législative (on doit être le seul pays au Monde à voter une nouvelle loi électorale à la veille de chaque élection…), tous ces aspects sont aujourd’hui gérés exclusivement par le Ministère de l’Intérieur tout puissant. Or, force de reconnaitre que ce ministère n’a pas un passif très reluisant en matière de gestion des élections depuis l’indépendance : utilisation massive des chioukh et mqadems qui sont sous tutelle du ministère pour favoriser tel ou tel candidat, utilisation des moyens très importants du ministère pour faire pencher le camp d’un candidat ou un autre (renseignements généraux et DST entre autres…), gestion du processus de la mise à jour des listes électorales de bout en bout…. Comment garantir la neutralité de l’Intérieur dans le scrutin? C’est tout simplement impossible. M. Benkirane, qui semble s’enorguillir de sa “supervision politique” des prochaines élections locales, nous prend certainement pour des abrutis.

Le seul et unique moyen de garantir la neutralité du gouvernement et du ministère de l’intérieur dans l’organisation des élections, est de confier la gestion de l’ensemble du processus électoral à une instance indépendante de l’exécutif. L’Istiqlal et l’USFP menacent aujourd’hui de ne pas participer aux prochains scrutins s’ils ne sont pas organisés par une instance indépendante. Mais on a tout de même beaucoup de mal à les croire. Il s’agit d’une revendication qu’ils formulent depuis 1997. Ce qui ne les a pas empêché de participer à tous les scrutins depuis.

Un des points revendiqués par beaucoup de partis politiques marocains, est celui de la refonte des listes électorales, établies en 1994 sous la houlette d’un certain Driss Basri, et mises à jour des dizaines de fois, sans qu’elles ne soient complètement assainies. Elles ne comptent aujourd’hui que 13 millions d’inscrits, alors que le nombre de marocains de plus de 18 ans et éligibles au vote avoisine le double! D’où l’appel de beaucoup à adopter les bases de données de la Carte Nationale d’Identité comme base d’inscription aux listes électorales. Mais le Ministère de l’Intérieur s’obstine à refuser cette méthode, sans présenter aucun justificatif valable. En voilà un exemple de plus de manipulation indirecte des élections. Et là encore, la seule solution devant un tel entêtement est de confier tout le processus électoral à une entité indépendante.

Beaucoup de pays démocratiques ont adopté un tel système. Mais comment s’y prennent-ils? Voici un récapitulé des pratiques en Tunisie, Espagne et Sénégal, pour ne citer que ceux qui sont les plus proches.

Pays Prérogatives Membres
Drapeau de Tunisie Tunisie : Instance Supérieure Indépendente des Elections
  • Proposer la répartition des circonscriptions électorales
  • Préparer le calendrier électoral
  • Arrêter les listes des électeurs
  • Garantir le droit de vote à tous les citoyens et citoyennes
  • Garantir le droit d’éligibilité
  • Recevoir les demandes de candidatures aux élections,
  • Assurer le suivi des campagnes électorales et veille à assurer l’égalité entre tous les candidats et candidates
  • Organiser des campagnes pour vulgariser le processus électoral et inciter à la participation aux élections
  • Contrôler le processus électoral le jour du déroulement des élections et suivre les opérations de vote et de dépouillement
  • Recevoir et statuer sur les recours conformément aux dispositions du décret-loi relatif aux élections de l’assemblée nationale constituante
  • Accréditer les observateurs et les contrôleurs tunisiens aux bureaux de vote
  • Accréditer les observateurs internationaux
  • Annoncer et déclarer les premiers résultats des élections et publier les résultats définitifs
  • Un magistrat judiciaire
  • Un magistrat administratif
  • Un avocat
  • Un notaire ou un huissier de justice
  • Un enseignant universitaire
  • Un ingénieur spécialisé en logiciels et en sécurité informatique
  • Un expert en communication
  • Un expert en finances publiques
  • Un représentant des Tunisiens à l’étranger
Drapeau d'Espagne Espagne : Junta Electoral Central & les
  • Diriger et superviser la mise à jour des listes électorales
  • Supervision des Juntas Electorales Regionales qui ont elle même des prérogatives de contrôle et supervision des élections
  • Contrôle des dépenses électorales des partis politiques

 

  • 8 magistrats de la Cour Suprême
  • 5 Professeurs Universitaires en Sciences Politiques ou Sociologie (désignés par le Chambre des Députés)
Drapeau du Sénégal Sénégal : Commission Electorale Nationale Autonome
  • Superviser et contrôler tout le processus d’établissement et de gestion du fichier électoral
  • Superviser et contrôler l’établissement et la révision des listes électorales
  • Contrôler et superviser toute mise à jour de la carte électorale (découpage)
  • Superviser et contrôler le dépôt des dossiers de candidature aux élections
  • Participer aux travaux des commissions de recensement des votes
  • Superviser le ramassage et la transmission des procès-verbaux des bureaux de votes
12 membres nommés par décret et choisis parmi les personnalités indépendantes exclusivement de nationalité sénégalaise connues pour leur intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité, après consultation d’institutions, d’associations et d’organismes tels que ceux qui regroupent Avocats, Universitaires, Défenseurs des Droits de l’Homme, Professionnels de la communication ou de toute autre structure

Si nos valeureux députés veulent faire avancer la démocratie au Maroc, ils ont intérêt à pousser pour l’adoption d’une telle instance, au lieu de chercher des compromis ne servant que leurs intérêts. A commencer par les députés PJD qui nous ont promis monts et merveilles pour lutter contre “Lfassad”.

Marocains, le Makhzen vous emmerde

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les marocains ont vécu des moments historiques ces 2 dernières semaines.

Tout d’abord, la victoire écrasante du PJD aux élections. Malgré toutes les critiques que l’ont puisse émettre envers le processus électoral, il semble que la volonté des marocains a été globalement respectée. La victoire du PJD aurait été encore plus écrasante si le mode de scrutin et le découpage avaient été plus équitables. Mais ce ne sera que partie remise pour les échéances à venir. Le combat sur ces points essentiels doit continuer. Les marocains n’ont tout de même pas oublié de remarquer la débandade du PAM et de son cheval de Troie makhzanéen RNI. Toutes leurs gesticulations ces derniers mois ont été vaines et inutiles. Le G8 ressemble plus aujourd’hui à un “G Rien”…

Le deuxième évènement, reste la nomination de Abdelilah Benkirane comme Chef de Gouvernement. Alors que beaucoup s’attendaient à ce que Saadeddine Othmani, ex-dirigeant du PJD soit nommé à la tête du gouvernement, notamment pour ses qualités de diplomatie et de conciliation avec le Makhzen, Benkirane s’est imposé comme un choix incontournable. On aurait quand même bien pu rigoler en ayant un psychiatre comme Othmani à la tête du gouvernement d’un pays réputé pour sa schizophrénie chronique 🙂 Mais avec les tractations que mène Benkirane, on se dirige, semble-t-il, vers un gouvernement formé par la PJD, l’Istiqlol, le Mouvement Populaire et le PPS. Des islamistes qui siègent au même gouvernement que des ex-communistes. On aura tout vu au Blad Schizo!

Après une semaine d’euphorie, où les attentes des marocains vis-à-vis du prochain gouvernement PJD restent énormes, le Makhzen n’a pas manqué de réagir. Non pas une, ni deux, mais trois claques ont été distribuées en moins de 48h.

Tout d’abord, la nomination de 28 ambassadeurs. Il s’agit d’un acte strictement encadré par la Constitution adoptée en juillet dernier. La loi suprême du pays stipule très clairement dans son article 49 :

“Le Conseil des ministres délibère … de la nomination sur proposition du Chef du Gouvernement et à l’initiative du ministre concerné, aux emplois civils… d’ambassadeur…”

L’article 55 stipule quant à lui :

“Le Roi accrédite les ambassadeurs auprès des puissances étrangères et des organismes internationaux.”

En reconstituant le processus, on obtient donc :

Le Chef de Gouvernement propose les ambassadeurs (à l’initiative du ministre des affaires étrangères), le Conseil des ministres (présidé par le roi) en délibère puis le roi accrédite ces ambassadeurs.

Or, en consultant les comptes rendus des conseils des ministres, publiés par le Secrétariat Général du Gouvernement, on s’aperçoit que la nomination des ambassadeurs n’a été approuvée dans aucun de ces conseils.

De par la même constitution, Abbas El Fassi, est toujours Chef de Gouvernement, jusqu’à ce que Abdelilah Benkirane obtienne le vote de confiance du Parlement.

En omettant l’étape de délibération par le Conseil des ministres, on s’aperçoit que le processus constitutionnel de nomination des ambassadeurs a été clairement violé.

En est-on à la première violation de la nouvelle constitution? Il semble que non. Plusieurs constitutionnalistes, dont le Pr. Abdelkader Bayna, éminent professeur de Droit Constitutionnel à Rabat avaient souligné que les élections du 25 novembre ne pouvaient être tenues qu’après dissolution de l’ancien parlement. Ce qui n’a jamais été fait!

Que faire quand un citoyen estime que la constitution de son pays a été violée? Il devrait se diriger vers la Cour Constitutionnelle, censée être le protecteur ultime de la loi suprême. Mais quand on sait que le roi nomme son président et la moitié de ses membres (directement et indirectement), on connait d’avance la réponse à toute saisine de ce type…

Deuxième claque de la semaine, la nomination de Yasser Zenagui, actuel ministre RNI du tourisme au sein de cabinet royal. Beaucoup diront qu’une nomination au sein du cabinet royal relève du périmètre exclusif du roi, mais quand on connait la puissance de celui-ci au sein des institutions marocaines, on ne peut s’empêcher de rester dubitatif devant une telle nomination. Comment peut-on admettre qu’un ministre d’un gouvernement sortant, appartenant à un parti sévèrement sanctionné par les marocains aux élections, puisse accéder à des fonctions au sein d’une institution connue pour être le vrai gouvernement d’ombre au Maroc? Sans citer les allégations sur les conflits d’intérêt incestueux de M. Zenagui qui détient un gros fonds d’investissement touristique (Sienna Investment Group) tout en étant ministre du tourisme…

La troisième claque (de quasi-KO) nous est venue de la nomination de Fouad Ali El Himma comme conseiller au cabinet royal. Nous voici devant un personnage dont les marocains réclament la chute depuis une dizaine de mois, qui a fondé un parti qui s’est pris une sévère défaite aux dernières élections, et qui de plus, est haï et détesté par le PJD, parti vainqueur des élections. Benkirane qui n’a cessé de traiter El Himma de tous les noms, le comparant à Oufkir et Basri, ou en appelant le roi à l’écarter. Le pauvre chef de gouvernement désigné s’est finalement résigné à appeler son pire adversaire pour le féliciter.

Nous voila donc devant 3 claques affligées aux marocains. Votez pour la constitution que vous voulez (aussi critiquable soit-elle), votez pour le parti que vous voulez, manifestez autant que vous voulez, le makhzen fera ce qu’il veut, et s’entourera de qui il veut.

Marocains, il ne vous reste que Dieu à implorer, et vos yeux pour pleurer.

الله يلطف بهاد البلاد أو صافي

 

Elections du 25 novembre : nouvelle supercherie du Makhzen?

Il y a quelques semaines, j’avais proposé à travers ce blog une douzaine de mesures visant à restaurer la confiance des marocains dans les élections. Je savais pertinemment qu’une bonne majorité est irréalisable, pour la simple raison que le Makhzen tient coûte que coûte à garder les choses sous son contrôle. A quelques jours des élections “historiques” du 25 novembre, les marocains peuvent s’apercevoir que les règles n’ont pratiquement pas changé. Retour sur ces 12 points :

1-Les élections sont toujours organisées de bout en bout par le Ministère de l’Intérieur. Une instance indépendante n’est toujours pas d’actualité.

2- Le découpage électoral s’est fait cette fois-ci selon les provinces, sauf pour les grandes villes, et là aussi avec des exceptions. Rabat se retrouve avec 2 circonscriptions, tout comme Fès et Taroudant. Marrakech est divisé en 3, alors que Tanger ne dispose que d’une seule circonscription. Par ailleurs, il est judicieux de comparer la population de chaque province avec le nombre de sièges qui lui sont alloués au parlement. Les résultats sont édifiants. Il faut par exemple 5 fois moins de voix pour se faire élire à Aouserd (ou Boujdour) qu’à Tanger. Le rapport est de 1 siège pour 36 000 habitants à Aouserd contre 178 000 à Tanger. Où est le principe de base d’égalité des chances entre candidats? On l’aura compris, le Makhzen préfère placer les siens dans les provinces reculées avec un faible nombre de voix nécessaires pour se faire élire, et laisser les partis s’entre-tuer dans des provinces surpeuplées, où aucune majorité claire ne pourrait être obtenue.

3- L’obligation de vote n’a pas été instaurée. Point très controversé, mais qui ne devrait, à mon avis, être discuté qu’après avoir satisfait toutes les conditions de scrutin transparent…

4- Les marocains votent toujours en un scrutin de liste à plus forte reste. Beaucoup réclament un retour au scrutin uninominal à un ou deux tours pour que la notion d’élu du quartier revienne, et que la répartition des sièges soit plus fidèle au nombre de voix exprimées.

5- Seul point positif dans cette liste, le vote avec la carte nationale d’identité a été instauré pour la première fois. C’est une concession du Ministère de l’Intérieur qui tenait à la fameuse carte d’électeurs. Seul bémol, certaines personnes rapportent que les nouvelles cartes nationales d’identité ne sont plus distribuées depuis quelques semaines, et que le Ministère de l’Intérieur les retient dans ses tiroirs. Bourrage d’urnes en perspective? Je préfère ne pas y penser…

6- Inscription automatique sur les listes électorales : Là encore, rien n’a été fait. La révision des listes électorales a été ouverte quelques semaines avant les élections du 25 novembre. Le résultat est décevant seuls 13 millions de marocains sont inscrits, sur un potentiel de plus de 20 millions en âge de voter. Le plus surprenant, c’est que le nombre des inscrits a baissé de 2 millions par rapport aux chiffres de 2007! Où sont-ils passés? Avec cet effet de baisse du nombre d’inscrits, le taux de participation ne peux qu’augmenter! Soyons lucides, le Makhzen n’a aucun intérêt à voir débarquer 7 millions d’électeurs sur la scène d’un coup. Surtout quand le premier parti a gagné les élections de 2007 en n’obtenant que 500 000 voix!

7- Vote sans enveloppe : Petite mesure qui aurait pu réduire la fraude, mais là encore, aucune nouveauté.

8- Baccalauréat au minimum pour chaque candidat : Encore une fois, les marocains sont confrontés à une pléthore d’analphabètes, même s’il faut avouer qu’une bonne partie des formations politiques ont fait un effort en présentant des candidats plutôt instruits.

9- Audit fiscal pour les entreprises possédées par les candidats : Pas de nouveau non plus dans ce sens. Et quand on voit le profil de certains candidats connus pour leur affairisme, cela n’est franchement pas rassurant…

10- Casier judiciaire vierge pour tout candidat : Plusieurs m’ont confirmé qu’une loi existe dans ce sens mais qu’elle n’est juste pas appliquée. A Rabat par exemple, un élu multirécidiviste, réputé pour ses achats massifs de voix, et exilé depuis 2 ans au Canada, est rentré précipitamment pour briguer un siège au Parlement. Il est assuré de le gagner, et on se retrouvera encore une fois avec un ripoux au parlement. Faute d’application de la loi.

11- On ne sait toujours pas comment marche le système informatique du ministère de l’Intéroeur. Si ça se trouve, il ne sait probablement pas faire des additions correctement. Cher Makhzen, on veut le code source du Hassoub Al Markazi!

12- Ce qui n’était censé être qu’une blague s’est révélé encore une fois vrai. Abdelouahed (Mac Leod) Radi brigue un nième mandat de député. Et cette fois-ci, il a trouvé une très bonne excuse : s’il ne se fait pas élire député, puis président de la chambre des représentants, le Maroc perd son siège de président de l’Union Parlementaire Internationale. Vous ne voulez surtout pas que ça arrive, hein? 🙂

On se rend compte finalement que pratiquement rien n’a changé dans les conditions d’organisation du scrutin.

Effrayé devant la perspective d’une participation aussi ridicule que celle de 2007, le Makhzen panique. Premières victimes, tous ceux qui appellent au boycott. Les arrestations des membres des coordination du mouvement 20 février ne se comptent plus, les tracts de Nahj ont été illégalement saisis, et les affiches et spots publicitaires appellent à voter à tue-tête.

Que proposent nos partis? Monts et merveilles. J’avoue que je n’ai parcouru que superficiellement les programmes des partis (comme disait Jacques Chirac “Les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient”), mais un détail mérite d’être soulevé. Ils promettent tous un taux de croissance du PIB supérieur à 6% (8% pour certains…). Comment pourront-ils s’y prendre alors que ce taux s’est établi en moyenne à 4,5% sur la dernière décennie? Comment peuvent-ils être aussi optimistes alors que l’Europe, notre premier partenaire économique, s’apprête à faire face à une crise sans précédent. Et le Maroc dépend fortement de la santé de ce partenaire (exports, tourisme, transferts des MRE…). Et je vous épargne les autres fantaisies des partis. Y en a-t-il, par exemple, un seul qui a suffisamment de courage pour expliquer aux marocains la douloureuse réforme des retraites qui s’annonce?

Pire encore, certains leaders de partis makhzanéen, osent affirmer qu’ils sont prêts à s’opposer aux conseillers du roi s’il le fallait, alors que l’épisode de retrait de la loi des finances est encore dans toutes les mémoires. Ce même RNI a quand même l’affront de promettre le changement aux marocains, alors qu’il fait partie de tous les gouvernements depuis 1977! Seul les partis communistes chinois et cubains ont, semble-t-il une meilleure performance…

La seule bonne nouvelle dans tout ce cirque, est que le PAM est relativement en retrait par rapport aux autres élections (rappelez vous qu’il s’était classé 1er aux élections municipales de 2009!). Normal, après les slogans du mouvement du 20 février, ni le PAM, ni son mentor, n’ont intérêt à trop se montrer. Mauvaise nouvelle, ils préfèrent mandater le RNI (mieux vendable), qui joue au Cheval de Troie, et  mène l’alliance makhzanéenne également appelée G8.

Que faire le 25 novembre? Voter pour le moins pire des partis, ou boycotter? J’avoue que je n’ai toujours pas de réponse. Voter reviendrait à cautionner le système dans lequel se déroulent ces élections : constitution non démocratique, conditions loin d’être optimales (cf. plus haut), candidats véreux… D’un autre coté, les 5 prochaines années sont cruciales pour le Maroc. Non pas pour des enjeux politiques (le pouvoir restera ailleurs…), mais surtout pour les aspects économiques (crise européenne, finances de l’Etat…) et sociaux (réforme du système des retraites, réforme inévitable de la caisse de la compensation…). Peut-on se permettre de laisser les mains libres aux mêmes personnes qui ont mené le pays à la dérive ces 50 dernières années? L’équation est difficile…

 

Quelques liens :

12 mesures pour restaurer la confiance des marocains dans les élections

Moins de trois mois nous séparent de la date à priori fixée pour les élections législatives anticipées, prévues le 25 novembre 2011. Le ministère de l’intérieur a tout fait pour avancer le plus rapidement possible la date de ces élections. Beaucoup pensent que c’est une manière pour le Makhzen de mettre fin aux manifestations hebdomadaires du mouvement du 20 février. D’autres pensent que c’est surtout pour empêcher les partis “sérieux” de se préparer à des élections cruciales.

La plus grosse question à se poser, à mon avis, reste la mobilisation des électeurs. Comment éviter le fiasco de 2007 où seulement 37% des électeurs inscrits se sont déplacés pour voter, avec 19% de votes nuls (pas de différence entre bulletins blancs et nuls au Maroc…) soit 1 million de votes?

Il existe une réelle fracture au Maroc entre politiciens et citoyens. D’un coté, la concentration des pouvoirs aux mains du roi, encore présente dans la “nouvelle” constitution, laisse penser que le gouvernement n’est qu’un simple exécutant de la politique royale. Pourquoi donc aller voter pour un parlement, si la majorité n’applique pas le programme pour lequel elle a été élue? Le débat sur cette question est long et complexe dans le cas du Maroc. Et la nouvelle constitution, n’aura pas arrangé grand chose à mon avis.

Deuxième cause de cette fracture, est la perte de confiance dans l’élite politique du pays. Le citoyen assiste impuissant à une sorte de cirque incessant, entre le premier ministre qui nomme sa famille au sein de postes clés dans le pays,  les parlementaires impliqués jusqu’au cou dans des affaires pénales mais continuent de bénéficier de l’immunité parlementaire, en passant par l’incompréhensible immunité de certains ministres impliqués dans différentes affaires . Le cas de Moncef Belkhayat est éloquent : achat d’une Audi A8 à 1,2 millions de DH par son ministère, affaire Bull, attribution des marchés d’architecture des centres sociaux à une proche….

Troisième cause de désintérêt pourrait être le sentiment que les élections ne sont pas si transparentes que cela. Certaines pratiques ont peut-être disparu (bourrage d’urnes…), mais d’autres ont la vie dure : achat de voix, découpage électoral biaisé, soutien des agents de l’autorité (chioukhs et mqadems)…

Comment redonner aux marocains confiance dans le système politique qui les gouverne? Ce serait très ambitieux de changer des mentalités et des attitudes qui ont eu la vie dure pendant des décennies en quelques mois, mais je pense personnellement que certaines mesures pourraient redonner aux marocains confiance dans leur système électoral, et à travers lui, la classe politique qui va en émerger.

Voici une liste de 12 mesures non exhaustives capables à mon avis de restaurer, au moins partiellement, cette confiance :

1- Organisation des élections par une instance indépendante : A ma connaissance très peu de partis politiques réclament des élections organisées par une instance indépendante du Ministère de l’Intérieur (MI). Le passif de celui-ci en matière de fraudes électorales est très lourd : utilisation des chioukh et mqadems qui sont sous tutelle du ministère, utilisation des moyens très importants du MI dont ils disposent pour faire pencher le camp d’un candidat ou un autre (renseignements généraux, DST entre autres…), sans parler d’un savoir faire hors du commun en matière d'”ingénierie électorale” capable de façonner les majorités. Comment garantir la neutralité de l’Intérieur dans le scrutin? Garantir au scrutin une transparence et une indépendance totale, reviendrait à en accorder l’organisation à une instance indépendante et permanente en charge uniquement de l’organisation des élections. Énormément de pays en disposent, et les bons exemples desquels on peut s’inspirer ne manquent pas.

2- Découpage électoral fait sur des critères objectifs : Tous les acteurs politiques marocains s’accordent sur l’adage “Laisse moi établir un découpage, et je te sors une majorité”. Dans les vraies démocraties, c’est la parlement qui décide du découpage électoral, et non le Ministère de l’Intérieur qui peut ajuster à sa guise les circonscriptions électorales. Comment? En accentuant les inégalités en matière de représentation des circonscriptions rurales par rapport aux urbaines, les premières étant réputées conservatrices. On peut également intégrer des quartiers huppés à des quartiers défavorisés de manière à avantager un parti ou un autre. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter un coup d’œil aux résultats des élections législatives de 2007. Le classement des partis par siège ne correspond pas à celui des voix. Le PJD était clairement premier par le nombre de voix, mais a été devancé par l’Istiqlal en nombre de sièges. L’influence, on le verra, du mode de scrutin est aussi présente dans cette anomalie. En règle générale, le découpage doit se faire sur des critères objectifs, avec des circonscriptions à des populations sensiblement égales, de tailles réduites (pour faciliter le travail des élus), avec des règles géographiques logiques. Le sujet et très vaste et beaucoup de lectures sont nécessaires pour le maitriser.

3- Instaurer l’obligation de vote : Sans doute, la mesure la plus difficile à appliquer. Pourquoi obliger des citoyens libres à voter dans un pays démocratique? La question fait débat, mais ce qui m’intéresse dans la question est son coté pratique. Obliger tous les électeurs d’une circonscription à voter empêche les achats de voix massifs que peuvent opérer certains candidats. Aucun ne pourra corrompre toute une circonscription. Cela revient à réduire, voire anéantir, l’effet d’achat des voix. Comment appliquer cette obligation? Ce n’est pas une question simple, mais on pourrait penser à un système d’amendes pécuniaires ou de privation de délivrance de documents administratifs pendant une certaine période si l’électeur ne vote pas. Là aussi, il faudrait prendre exemple sur des pays qui l’ont déjà fait : Brésil, Turquie, Belgique… Quid de ceux qui s’abstiennent par choix? Ils n’ont qu’à voter blanc!

4- Retour au scrutin uninominal : L’actuel mode de scrutin par liste (ou proportionnel multinominal à plus fort reste) a eu pour principal effet, l’éloignement de élus de leurs circonscriptions. Celles-ci sont devenues beaucoup plus grandes, et certaines ont jusqu’à 4 représentants. Comment est-ce que cet élu pourra être proche de son électorat? La notion d'”élu du quartier” a disparu, et beaucoup d’électeurs sont tout simplement incapables de citer le nom de leur(s) représentant(s) au parlement. Comment voulez-vous donc les motiver voter?  Autre problème que pose ce mode de scrutin : l’émiettement du champ politique. Et c’est sans doute issu d’une volonté réelle du Makhzen. Il est logiquement impossible à un parti aujourd’hui d’avoir une majorité absolue au parlement vu le mode de scrutin par liste. La règle du plus fort reste complique encore plus les choses en accordant autant de sièges à des partis qui peuvent avoir un nombre de voix très différents (voir exemple dans cet article). Là encore, le paradoxe des élections de 2007, où le parti qui a eu le plus grand nombre de voix n’était pas le gagnant des élections. Revenir à un scrutin uninominal me parait une bonne solution pour ces problèmes.

5- Vote avec Carte Nationale d’Identité : Une des plus importantes revendications des partis politiques. Les CNI étant un moyen d’identification sûr et pratique, ce serait un gage important de transparence dans les élections. Les électeurs n’auront plus à se déplacer pour avoir leurs cartes d’électeurs, qui sont de plus, facilement falsifiables. Elles garantissent un vote unique et sécurisé.

6- Inscription automatique sur listes électorales : Un des fléaux de la “démocratie marocaine” reste le faible taux d’inscription aux listes électorales. Sur un potentiel de 20 millions de marocains en âge de voter, seuls 13 millions sont inscrits. Renseignez vous dans votre entourage, et vous vous apercevrez qu’énormément de personnes ne sont pas sur des listes électorales, et donc incapables de voter le jour J. Les raisons sont diverses et variées : manque de temps, ignorance, négligence… L’État dispose de suffisamment de moyens pour identifier les personnes en âge de voter (plus de 18 ans), notamment via les registres de la CNI. De la même manière, les décédés doivent être automatiquement retirés de ces listes. Un simple calcul ((taux de participation x nombre d’inscrits) – votes blancs) permet de ressortir que moins de 4 millions de personnes ont choisi les représentants de 30 millions de marocains en 2007. Absurde, non?

7- Vote sans enveloppe : Mesure pouvant paraitre illogique, mais efficace pour lutter contre les achats de voix. Les candidats véreux s’employaient ces dernières années à corrompre les électeurs, non pas en s’assurant qu’ils ont bien voté pour eux (i.e. cocher une case dans une feuille unique), mais en s’assurant qu’ils n’ont voté pour personne! Le seul moyen de s’en assurer, était de ramener la feuille de vote au candidat. L’électeur n’aura donc mis qu’une enveloppe vide. Pour que cette mesure soit efficace, il faudra s’assurer que les feuilles de vote sont infalsifiables, et clairement identifiables lors de la mise en urne (tampon, symbole spécial…). Le problème des téléphones portables qui prennent des photos dans l’isoloir restera néanmoins posé…

8- Tout candidat doit avoir un baccalauréat au minimum : Comment autoriser un élu de la nation à siéger au parlement, légiférer, sans avoir un niveau minimal d’éducation? Il me semble qu’avoir le baccalauréat en 2011 pour un député est le minimum syndical…

9- Audit fiscal des entreprises possédées par les candidats : Beaucoup de candidats sont intéressés par l’immunité parlementaire plus qu’autre chose… La nouvelle constitution a interdit d’utiliser l’immunité parlementaire à des fins autres que politiques, mais on ne sait pas encore comment cela va être décliné dans la réalité. Soumettre les entreprises possédées par les candidats à un audit fiscal me parait comme une mesure nécessaire. Cela garantirait au moins que le candidat n’utilisera pas son immunité pour échapper au fisc.

10- Casier judiciaire vierge pour tout candidat : Me parait comme mesure élémentaire. Un candidat doit avoir prouvé son intégrité et sa probité par le passé. Les peines dues à des activités politiques ou syndicales, ou ayant lien avec la liberté d’expression, sont bien sur à bannir de ces conditions.

11- Publier le code source du logiciel qui gère les élections : Cela peut paraitre farfelu, mais personne ne sait comment fonctionne ce fameux logiciel central utilisé par le ministère de l’intérieur pour calculer et collecter les résultats des élections. C’est une vieille revendication de M. Mohamed Zanane, qui donnerait un gage de transparence de plus.

12- Interdire à Abdelouahad Radi de se représenter : Député de la région du Gharb depuis 1963, soit bien avant l’arrivée de Kadhafi au pouvoir en Libye, M. Radi a battu tous les records de longévité parlementaire. Il est temps pour lui de laisser sa place aux jeunes et de se trouver une autre activité à plein temps. L’agriculture par exemple?

Appliquer une bonne partie de ces mesures me parait un minimum pour restaurer la confiance des marocains dans leur système électoral et politique. La précipitation du Ministère de l’Intérieur dans l’organisation des élections législatives n’augure rien de bon. Les mêmes pratiques produiront forcément les mêmes résultats, quelques soient les beaux discours. Et nous nous retrouveront encore face à cette même “élite politique”, stérile, corrompue et incapable de diriger le pays et de le sauver du sous-développement dans lequel il baigne…